Mois : août 2018

Porte étroite

Impres­sion­né par La porte étroite de Gide que je croy­ais avoir lu, au point d’en par­ler dans Forde­troit, et que je lis en fait pour la pre­mière fois. L’élé­gance de la phrase, sa sim­plic­ité créent un cli­mat extra­or­di­naire. Pour l’aven­ture spir­ituelle du réc­it, il est aujour­d’hui dif­fi­cile, du moins pour le bar­bare que je suis, d’y attein­dre pleine­ment, mais l’ef­fet de beauté, lui, porte. Ceci par exem­ple, repris de Spin­oza (le bon­heur n’est pas la récom­pense de la ver­tu, mais la ver­tu elle-même): “Non Jérôme, non, ce n’est pas la récom­pense future vers quoi s’ef­force notre ver­tu: ce n’est pas la récom­pense que cherche notre amour. L’idée d’une rémunéra­tion de sa peine est blessante à l’âme bien née. La ver­tu n’est pas non plus pour elle une parure: non, c’est la forme de sa beauté.”

Argent

Plus que tout m’a­gace chez les Suiss­es cette con­vic­tion répan­due d’avoir com­pris et de faire juste; et je ne par­le pas des rav­ages du faux égal­i­tarisme (faux car de seul dis­cours), mais bien de ce qu’il pré­tend jus­ti­fi­er, cette com­péti­tion expo­nen­tielle, cette course à l’argent.

Imaginaire

La grande force du cap­i­tal­isme, ce qui trahit sa dimen­sion de sys­tème clos, est d’avoir bridé l’imag­i­na­tion. Ou plutôt, d’empêcher l’imag­i­na­tion d’at­ten­ter au réel. Le réel est le domaine du cap­i­tal­isme, et l’imag­i­na­tion celui de l’imagination.

Paella

Luis, mon coif­feur fan­tasque, cet après-midi, alors que j’at­tendais ma coupe, dis­ait à son client, un vigneron: “vois-tu Paco, moi qui suis ici, con­tre les mon­tagnes, avec l’hiv­er qui vient, l’hiv­er que je n’aime pas ou, main­tenant que j’ai 44 ans, n’aime plus, je vais fil­er. Là, tu vois, je lâche les ciseaux, je m’en vais! Et où vais-je? Dans les Caraïbes! Faire de la pael­la! Mais oui Mon­sieur, dans une grande poêle dieu mer­ci, avec… imag­ine la pho­to, deux filles qui dansent (Luis danse), les vois-tu, juste der­rière moi, elles dansent (il danse) et admirent cette mag­nifique pael­la et la nuit, ah mon ami Paco, la nuit… !
Le client finit. Je prends sa place dans le fau­teuil. Et dis:
-A Bangkok, dans un marché, il y a un type, peut-être espag­nol, qui fait de la pael­la. Il ressem­ble beau­coup à ce que tu décris! Une chose est sûre, il a du suc­cès, il doit bien gag­n­er.
-…
-C’est un marché.
-Je sais.
-Mmh?
-Il est de Logroño. J’ai la pho­to. Un des mes amis me l’a envoyée. For­mi­da­ble, n’est-ce pas? Donc moi, dans les Caraïbes…

Essai sur le posthumanisme 5

Demain est impor­tant. Jour ter­mi­nal de rédac­tion de l’es­sai. Ain­si voulu. Encore faut-il pou­voir. Depuis ce matin, embrumé de la veille (alcool), je me bats avec les anec­dotes de robots qui pour­raient judi­cieuse­ment illus­tr­er le pro­pos dernier de mon raison­nement, l’hy­bri­da­tion homme-machine comme pre­mière mou­ture d’un être post-humain déro­geant à la fois au con­fine­ment ter­restre et au con­di­tion­nement biologique.

Pluie

Enfin, après six semaines d’un temps d’août, soleil ver­ti­cal, silence chaud et nuits lentes, une pluie est tombée. Elle a rincé le pavé pen­dant seize min­utes. Dans la rue, nous par­lons tous de cette pluie dont il n’y a plus trace.

Capital

Le cap­i­tal­isme automa­tique en tant que principe d’or­dre et de désordre.

Police

Poli­tique de la police. Traduire en actes sa fonc­tion. Punir qui punit le crime quand ce n’est pas la police.

AF

- Alexan­dre? Alexan­dre Friederich?
- Ce n’est pas mon nom. Je n’ai pas de nom.

Télévision

-Les Espag­nols regar­dent la télévi­sion qua­tre heures par jour.
-Dis­ons plutôt que le téléviseur est allumé.
-Oui, c’est vrai. Et puis ma voi­sine de hui­tante-sept ans con­tribue à aug­menter la sta­tis­tique, elle est devant son poste douze heures par jour.