Rêve serbe

De Bel­grade, je don­nais à admir­er l’aligne­ment des immeubles, la per­spec­tive des avenues, les parcs:
-Voilà une ville d’avenir.
Et lui prenant le bras, j’emmenais mon com­pagnon à la Grande brasserie. Dis­trait par la con­ver­sa­tion, je péné­trais alors dans le périmètre réservé au ser­vice longeant le buf­fet de bois où les serveurs en livrée chargeaient le plateaux. Aimable­ment repoussé, le maître d’hô­tel indi­quait d’un geste cour­tois que le pro­fes­sion­nal­isme de son équipe ne serait pas affec­té par cette incar­tade. Instal­lé à une table, nous buvions, mais encore une fois, je com­met­tais un impair. Le bal­lon de rouge que je tenais du bout des doigts se rompit. Accou­ru, le maître d’hô­tel sig­nalait que l’in­ci­dent était sans grav­ité. Avisant une plante en pot qui, assoif­fée, pendait d’un air lam­en­ta­ble et encour­agé par le bon ser­vice des ten­anciers de la brasserie, mon com­pagnon pri­ait:
-Peut-on don­ner un peu d’eau à cette plante?
Le maître d’hô­tel, dédaigneux:
-Pas le temps!
-Oui, dis­ais-je alors à mon com­pagnon, c’est la lim­ite de leur humanité.