Mois : juin 2018

Jaca-Malaga à vélo

Jaca-Bolea, 90 km.
Bolea-Gal­lur, 105 km.
Gal­lur-Ate­ca, 137 km.
Ate­ca-Moli­na de Aragon, 73 km.
Moli­na-Cañav­eras, 128 km.
Cañav­eras-Alcazar de San Juan, 153 km.
Alcazar-Puer­tol­lano, 139 km.
Puer­tol­lano-Mon­toro, 110 km.
Mon­toro-Rute, 116 km.
Rute-Mala­ga, 132 km.

1183 km, 60 heures.

Libre

Ce sen­ti­ment de lib­erté, ent­hou­si­as­mant. Savoir que l’on peut. Main­tenant. Pas besoin de le dire — je le fais ici pour ali­menter la con­fi­ance — l’ac­tion, la parole, la pen­sée, tout est pal­pa­ble, à la fois pos­si­ble et cer­tain. Que je me sou­vi­enne, étu­di­ant, et après, nous ten­tions avec mes amis qu’ag­i­tait cette ques­tion, en fin de nuit, sou­vent ivres, de quit­ter les lieux. Nous avions tôt fait de revenir, tenus ter­ri­to­ri­ale­ment, finan­cière­ment mais surtout — il faut avec honte l’avouer — morale­ment, c’est à dire liés, attachés, hand­i­capés. Tel n’est plus le cas. Cela se paie par un niveau de soli­tude supérieur. Pour rien au monde je n’en chang­erais. Je fais ce que je veux.

Wings

Lorsqu’il nous ren­dit vis­ite à Helsin­ki en 1976, mon oncle hock­eyeur, venu de Lau­sanne à bord de sa Mini 500, écoutait l’al­bum At The Speed Of Sound des Wings. Mon père, féru de jazz et de clas­sique, de ce fait peu ini­tié au pop-rock, fit longtemps jouer l’al­bum des McCart­ney. Mon­frère et moi l’avons écouté et réé­couté, y com­pris lors des grandes rup­tures, celles du punk, du hardocre, du dark­met­al, de la pre­mière tech­no ou du grunge. Il y a dix jours, comme nous quit­tions Agrabuey en voiture, je passe de cet album Sil­ly Love Song. Aus­sitôt Aplo (qui est de la généra­tion faux-nègres français hip-hop):
- C’est bien ça! Tu le remets?

Stan

Stan de Detroit (il vend du savon pour les barbes des hip­sters), à qui je demande des nou­velles:
- Oui, ça va, mais en avril, la sit­u­a­tion s’est corsée en périphérie Nord… Tu vois le liquor shop? Celui qui est près de la sta­tion-ser­vice aban­don­née. Bref, une bande s’est implan­tée dans un entre­pôt et avec les gars du “neigh­bor­hood watch­ing” nous avons dû brûler la plu­part des maisons du quarti­er. Depuis, on est à découvert.”

Arrêt

A quel moment et pourquoi, dans une vie mar­quée par les déplace­ments, se dit-on, “voilà, je vais rester ici”? De longue date me fasci­nent ces tra­jec­toires d’aven­turi­ers fébriles qui ayant par­cou­ru aléa­toire­ment le globe inscrivent soudain leur exis­tence dans des lieux éloignés et improbables.

Anne

Il y a dix ans, cette ani­ma­trice cul­turelle de Genève, Anne Bisang, alors direc­trice de la Comédie de Genève (théâtre majeur de notre cap­i­tale de province) qui me dis­ait à l’oc­ca­sion d’un débat tenu pour le compte de la télévi­sion offi­cielle sur le thème “faut-il vouloir un statut pro­fes­sion­nel de l’artiste?”:
-Toi, de toute manière, tu es con­tre tout!
Je ne nie pas — du moins fis-je val­oir au moment où on me pas­sa le micro que le statut de l’écrivain d’E­tat tel qu’il avait existé dans l’URSS, lequel rédui­sait de pau­vres hères à pass­er sous silence leur fait pour relay­er une doc­trine poli­tique, n’é­tait pas le choix des ama­teurs de lib­erté (j’a­joute ici avec malveil­lance: sauf lorsqu’on doit son poste d’an­i­ma­teur de la cul­ture cap­i­tal­iste à l’as­cen­dant légal exer­cé sur l’artiste).

Souvenir

Olof­so m’en­voie des pho­togra­phies du squat pris­es dans les années 2000. Nous posons dans la cui­sine des casseroles sur la tête, au salon en cos­tume noir et cra­vate pour une per­for­mance du G3 alors qu’elle est enceinte (Aplo ou Luv?), dans le couloir avec P.de R. des affich­es mil­i­tantes sur la poitrine que nous allions j’imag­ine tartin­er la nuit sur les murs de Genève, et Olfoso écrit: “il faut que nous fas­sions une soirée-sou­venir !” J’en serais le pre­mier con­tent, mais ce serait pour faire une soirée avec Olof­so, pas pour le sou­venir. S’agis­sant de mémoire, je ne m’in­téresse qu’à l’avenir. Le passé, le mien, celui des autres, l’his­toire, je veux bien, mais comme assise. Avant de se lever. Le temps qui reste se déroule dans une seule direction.

Nos enfants

L’un des débats intimes qui vient et dont hériteront spé­ciale­ment nos enfants: faut-il con­courir par la générosité, la parole, les engage­ments, l’in­tel­li­gence, l’ef­fort, à l’élé­va­tion d’une société dont le sché­ma de con­struc­tion est fonc­tion d’un vaste cerveau dépersonnalisé?

Confession

“Vous savez me dis­ait cet homme, dans ma vie, j’ai beau­coup fait, mais jamais je n’ai cru que ces choses fussent utiles, c’est le prix à pay­er pour faire par­tie du monde. Lorsqu’on s’en échappe, qui peut dire où on va?”

Veille

L’heure de se met­tre au lit après la casse­role de pâtes. La foudre vient de s’a­bat­tre à petite dis­tance de la mai­son, aus­si suis-je sor­ti dans le vil­lage pour m’as­sur­er qu’au­cun de nos toits ne brûlait. La météo annonce une journée de same­di ensoleil­lée. Le vélo est chargé, et le sac, livré cet après-midi suite à une com­mande sur inter­net, m’é­tant aperçu in extrem­is que le mien est à.. (Mala­ga, Fri­bourg, Clarens, Lausanne?).