A peine installé dans la ferme, Mamère demande de l’aider. Nous chargeons la Toyota, nous roulons jusqu’à la déchetterie. Nous roulons pare-chocs contre pare-chocs, à travers ce village de paysans désormais encombrés de hangars Aldi, Lidl, Denner, Migros, Bricochose et Choseauto. Commentaire de Mamère:
-C’est la plus mauvaise heure.
Celle où les hommes et les femmes du village finissent le travail et montent en voiture pour se répandre à cinquante mètres, en même temps, tous, dans les centrales d’achat, ce qui leur permet de constater que “c’est le plus mauvaise heure”. Du moins pour ceux qui ne privilégient pas d’abord le passage en déchetterie, celui-ci étant le complément logique de l’achat de choses emballées, fragiles, inutiles, encombrantes et usées, que l’on jette. Ici et là, je vous prie, dans des conteneurs, des seaux, des bennes, des tonneaux dûment étiquetés par des fonctionnaires orange qui une baguette à la main, la gueule avinée, dirigent en chefs d’orchestres cette symphonie du déchet. Mais tout cela est si sympathique! Les villageois se saluent, fiers de montrer qu’ils jettent par civisme et connaissent leur affaire:
-L’huile ménagère, dans le bleu Roger?
-Merci Jean.
Et comme nous sommes venus, nous repartons, dans le petit embouteillage-minute qui égaye à heure fixe, quatre fois par jour, la vie quotidienne de ce village autrefois sensé.