Gala parlait de se rendre dans cet hôtel russe, de mémoire un bâtiment perché sur la montagne et le Léman, muni de balcons, flanqué de tourelles. De la chambre, je n’avais pas de souvenir, mais il y a dix-sept ans — là, l’image est distincte — Gala se promenait en culottes sur la petite esplanade tandis que des dames affublées de grosses lunettes attendaient l’heure du repas. Aujourd’hui, nous ressemblions à ces pensionnaires. Comme elles, âgés et en attente. Au téléphone, la discussion avec Gala (elle à Genève, moi à Fribourg) continuait, de plus en plus vive à mesure que je disais “non”.
-Enfin, qu’irait-on faire au-dessus des Pléiades? Protestai-je.
-Je ferai du vélo.
-C’est un mur.
-Ah!
-Et il n’y a que des pizzas. Servies par des Français. D’ailleurs la route est fermée.
-Comment le sais-tu?
-J’y suis allé dimanche.
Plus tard, je comprends que Gala ne parle pas de l’hôtel, mais d’une pièce de location dans une maison de village.
-Je vois! Et les fenêtres donnaient sur la voie du train?
-Oui…
-Comment veux-tu que je retrouve pareil endroit! Nous étions arrivés par hasard, de nuit. Et puis, c’était il y a presque vingt ans.
-Tu exagères!
-Allons plutôt en France.
-Trop loin.
-A une demi-heure.
-Tu crois?
-Monthey-Pas de Morgins, demi-heure.
-Bon, je te rappelle.
Elle ne rappelle pas.
Une heure passe. Je me tiens dans le jardin, devant la ferme, le temps est radieux, au loin, découpés, les sommets des Paccots. N’y tenant plus, je compose le numéro de Gala.
-Pars tout de suite! Me dit-elle.
-Tu… tu es déjà dans le train.
-Mais oui, bien sûr, j’arrive!
Le rendez-vous a lieu — à Pully. Car il faut visiter une exposition Hodler. Le gardien déchire nos billets, je pénètre dans la première salle. Gala reste en arrière, en grande conversation avec le gardien. Ce qu’elle peut bien lui dire? Un mystère. Arrivé à la troisième salle, je rebrousse chemin. Pour qui est-elle venue, pour Hodler ou pour le gardien? Bientôt, je la trouve parcourant l’exposition en sens inverse (à la réflexion, c’est moi qui n’ai pas tenu compte du fléchage)
-Où étais-tu? Je demande.
-Ici. J’ai tout vu. On y va?