Au bout de la rue noire, dans une échoppe velue, une Noire vendait du manioc assise sur d’énormes sacs, déplaçant ses fesses pour libérer le passage comme mon bras se tendait en direction de l’armoire frigorifique remplie de bouteilles. Mais au lieu de saisir, j’hésitais, lisant l’une après l’autre les étiquettes.
-Du coca-cola, est-ce que vous avez ça?
-Comment tu dis?
Modifiant ma prononciation:
-Du coc-acol‑a!
La dame disait que non, elle n’en avait pas.
Assoiffé, je tenais la main à petite distance d’une bouteille de Fanta, mais à me représenter ce liquide orange et doux coulant sur la langue et dans ma gorge, je songeais, “je ne vais pas boire cette saloperie!”.
-Avez-vous de l’afri-cola?
Elle n’en avait pas. Me précipitant au fond du magasin, j’allais me plaindre à son fils, un demeuré qui vivait perché sur des sacs de manioc, du peu de volonté de collaboration de sa mère, laquelle nous rejoignait, déchargeant à nos pieds, dans un sac plus petit, un ensemble de graines, de farines et de poudres moisies “à trier, disait-elle, pour les mettre en vente”.