A Guadalajara, j’achète une canne à pèche. La vendeuse me fait l’article, bienheureux de constater que j’en sais aussi long qu’elle: j’ai lu mes catalogues avant d’entrer dans sa boutique. Mais bientôt nous dérivons. Elle me parle de Moosburg an der Isar, en Bavière, où elle a séjourné pour apprendre l’Allemand, nous regardons des images, je lui conseille Landsberg am Lech, puis nous revenons à Guadalajara et elle me prépare une visite complète de la ville, apprend que j’y suis venu un été avec Gala, que je connais au moins les rues anciennes, le parc de la Concorde et le palais de l’Infantado, soit, “mais la Concatédral et le mausolée?” Sauf qu’il est dix-huit heures, je viens de rouler six cent kilomètres et il va faire nuit. Elle m’accompagne sur le trottoir, montre les directions, me ramène dans le magasin, sort des couteaux à poisson, demande quand je reviendrai (en févier, prendre la canne à pèche avant de monter dans les Pyrénées), et promet de m’appeler au plus vite, en fait dès qu’elle aura parlé avec son père, pour répondre à mes questions sur les arbalètes. Mais, étrange phénomène, à peine arrivé au bas de l’avenue où se tient sa boutique, heureux de cette rencontre, encore gâté par le sourire naturel de cette fille, je cherche son visage et ne le trouve pas. De retour à l’hôtel, de même. Et le lendemain encore. Si je venais à la croiser dans la rue, me dis-je perplexe, je ne la reconnaîtrais pas.