Produit actuel, conçu, existant

Démon­stra­tion devant pub­lic de la dernière inno­va­tion tech­nologique en matière mil­i­taire. Le directeur de la com­pag­nie respon­s­able de l’arme fait son spec­ta­cle mer­can­tile lequel con­siste prin­ci­pale­ment à sim­pli­fi­er les don­nées du prob­lème. Por­tant beau, vêtu d’un cos­tume gris, il se tient devant un écran géant. Les présen­ta­tions faites, il attire l’at­ten­tion sur un robot qui vole à un mètre de son vis­age depuis qu’il est entré en scène. Il s’ag­it d’un drone de la taille d’une libel­lule. Il avance la main, le drone recule. Il l’abaisse, le drone reprend posi­tion. Ceci pour établir sa vitesse de réac­tion, ain­si expliquée: “aucun homme n’est assez rapi­de pour l’in­ter­cepter!”. Et main­tenant, le clou du spec­ta­cle. Un pro­jecteur s’al­lume. A l’autre bout de la scène appa­raît une man­nequin. Le directeur tire de sa poche une télé­com­mande, le drone quitte sa posi­tion et frappe la tête du man­nequin. “La mort est immé­di­ate”. Noir sur la scène. Sont alors pro­jetées les images d’un vol. Un avion-por­teur tra­verse le ciel. La soute s’ou­vre, des mil­liers de drones d’échap­pent. Ils s’a­bat­tent sur une ville. Venons-en à la morale (le présen­ta­teur n’use pas de ce terne désuet, mais c’est de cela dont il s’ag­it): “imag­inez un monde où vous pou­vez tuez les méchants sans aucune risque?” Et afin que l’idée pénètre dans les cerveaux, il assène la ques­tion deux trois fois — le pub­lic applau­dit. Alors est pro­jeté un film court à la nar­ra­tion aber­rante. Je résume. Une mère par­le à son fils par Skype. “Com­ment vont tes études mon chéri?” Tout en s’en­tre­tenant avec son fils, elle explore son activ­ité sur les réseaux soci­aux et soudain s’écrie devant un post: “Oh, non, mon chéri, ne me dis pas…? Enfin, tu ne fais pas de la poli­tique, n’est-ce pas?”. Ce qu’il faut com­pren­dre: le fils a vague­ment mil­ité pour on ne sait quelle cause. Séquence suiv­ante, des mil­liers de drones tombés du ciel fondent sur l’u­ni­ver­sité où étudie le fils, passent à tra­vers les murs d’un amphithéâtre et tuent tous les étu­di­ants qui se mêlent de poli­tique. Retour à la scène, le pub­lic applau­dit (molle­ment, il n’a pas tout com­pris, ou il est sous le choc). Le directeur, tout sourire, répète le cre­do: “n’est-il pas mer­veilleux, ce monde à venir où l’on pour­ra tuer sans risques et de façon cer­taine les méchants?”