Il me semble que j’aurais besoin de tomber malade. Un peu comme on grimpe sur une échelle pour changer l’heure en modifiant la position des aiguilles. Au fond du lit, l’homme grelotte, perd ses parasites et cherche la lumière. Lorsqu’il se relève, c’est l’heure zéro, il relève le menton.
Mois : novembre 2017
Grand livre
Le grand livre, pensé-je, impossible à faire ou presque pour la raison que je dirai, est celui qui montrera le rétrécissement de la vie biologique et morale de l’homme occidental, et c’est que (voici la raison) il faudrait pour illustrer l’histoire de ce déficit avoir appartenu à deux voire trois générations dévidant ainsi une pelote d’expériences qui rendraient le fait incontestable.
María Zambrano
En attendant le train pour Madrid, je rôde autour de la gare de María Zambrano, surpris de retrouver autour de cette destination l’ambiance qui tant de fois m’a accueillie lorsque j’arrivais à Malaga; j’avais oublié, maintenant que j’y accoure en voisin, les odeurs de café, le marbre clair de la promenade, les perroquets dans les palmiers ou encore les effluves d’eau de Cologne au bas des immeubles de bureaux, toutes ces impressions liées à un quartier qui fut longtemps mon point d’entrée dans la ville.
Travail
Partout dans le monde des gens simples, honnêtes, parlent d’argent, le visualisent, en tas, se demandent “comment, mais comment font-ils ?” et ce “ils” en dit long sur leur incompréhension, sur la distance absolue entre le lieu actuel de la conversation et le tas d’argent, à leurs yeux une image de la fortune, et alors qu’ils retournent au travail dont ils venaient avant de commencer la conversation, ils pensent encore à ce tas constatant jour après jour avec dépit que leur travail ne les en rapproche pas d’un centimètre.
Reconnaissance
Monfrère de retour d’un repas en soirée chez des amis : “c’était ennuyeux, j’ai préféré jouer avec les enfants!” Ce qui me vaut la nuit venue de nommer en rêve, un à un, tous les camarades d’école et de jeux que j’ai fréquenté depuis l’âge de douze ans. Leurs portraits apparaissent, je nomme. Puis ceux de l’adolescence, de l’université et de Mexico, quelques autres enfin, connus à Fribourg il y a trois ans. Par exemple, des photographies prises lors d’une fête tenue en 1986 apparaissent et j’identifie les visages dont celui de ce Français que je n’ai croisé qu’une fois dans ma vie, ce soir-là.