Mois : octobre 2017

Femmes 2

Méchantes les femmes qui, femmes en dia­ble, se rêvent hommes.

Excellent soleil

Julian amène ses mou­tons à la source, je fais quelques pas avec lui, il par­le de ses murs de pierre, anciens, épais, plus qu’é­pais, énormes.
-Cet été, le vil­lage lévi­tait dans la chaleur, eh, bien à l’heure de la sieste, j’ai dû me cou­vrir d’un drap. Là surtout, sur le ven­tre!
Sa mai­son a qua­tre étages, chaque étage une sur­face de qua­tre cent mètres. Une forter­esse. Il s’assied sur une pierre, noue les mains autour du bâton et fixe la mon­tagne. Je con­tin­ue ma prom­e­nade. Des feuilles rouges déva­lent les rues et fou­et­tent mes jambes. Munis de grandes bross­es de plas­tique, Sanz et sa femme net­toient la fontaine. Plus tard, adossés à un mur, je par­le avec le cousin maçon. Cour­taud, les yeux bleus, les cheveux mi-longs, façon Paco de Lucia ou Tom Pet­ty, il nous explique longue­ment com­ment j’au­rais pu m’y pren­dre pour éviter le coude sail­lant lors de la pose du nou­veau chéneau.
-Oui, dit Sanz, mais on a essayé, mon tracteur passe.
Le cousin fait silence, puis reprend toute l’ex­pli­ca­tion. Alors Sanz:
-Mais le tracteur passe.

Chaise

En fin de journée, accès de dés­espoir. Rien de très cri­ant. Assis sur une chaise de jardin, la pièce est som­bre, je ne peux rien faire, ne veux rien faire, le sais, et cepen­dant, je ne veux pas rester là, pas rester assis.

Femmes

J’aime les femmes qui me com­man­dent, mais elles feraient aus­si bien d’a­ban­don­ner, jamais elles ne le pourront.

Considération

Puis­sé-je vivre au sein d’une com­mu­nauté d’hommes avec qui entretenir des rap­ports de con­sid­éra­tion! Peut-être n’aimerais-pas tou­jours leur activ­ité, jugeant d’elle au cas par cas, mais il me suf­fi­rait d’ad­met­tre que par la loi de l’ef­fort et selon le pro­grès, ils se sont détachés de leur sit­u­a­tion ini­tiale mari­ant autant que faire se peut la nature et la cul­ture pour saluer la valeur de leur tra­jec­toire et tenir pour acquis que chaque mem­bre de la com­mu­nauté est fait comme moi, qu’il par­court les méan­dres de la con­science, tente d’é­clair­er  les rap­ports, agit à la lumière des faits et à l’aune des possibles.

Barrages

Rêvé hier qu’un bar­rage cédait. Les eaux m’emportent. D’autres naufragés, atteignent les berge, je glisse, me débats, me perds. Or, ce soir, comme je branche le disque dur que m’a offert Mon­a­mi, je choi­sis par­mi 500 films, sans pré­somp­tion du sujet, un doc­u­men­taire inti­t­ulé “Age­ing Amer­i­ca”… qui traite des rup­tures de barrages.

Admiration

Lorsqu’ils sont à l’oeu­vre dans mon périmètre, j’éprou­ve pour les autres une forte sym­pa­thie, non pas que la tâche soit orig­i­nale ou qu’elle m’in­téresse, mais j’ad­mire la fais­abil­ité et la joie sim­ple qui accom­pa­g­nent l’en­chaîne­ment des actes qui don­nent lieu aux choses, m’aperce­vant que moi aus­si, en un temps récent, j’ai fait et refait et con­tin­ué de faire dans les mêmes con­di­tions, avec cette même joie, mais que juste­ment, dégagé de l’oblig­a­tion de faire, je me con­sacre désor­mais à l’ad­mi­ra­tion, admi­rant que ceux qui font fassent parce que, pour moi, cela est devenu tout à fait insupportable.

Pinget

A côté du poêle, prof­i­tant du moment où la con­nex­ion inter­net de la munic­i­pal­ité fonc­tionne, je cherche des meubles d’oc­ca­sion répan­dus dans la mon­tagne entre la Navarre et l’Ar­iège, j’avale des bières et aus­si je songe, il avait rai­son (Pinget): tou­jours on fait ce qu’on a fait, qui est une chose, une seule et même chose, jusqu’à la fin — alors on vous assène un coup sur le crâne, car c’est assez, et la séquence s’in­ter­rompt. Reprise par un autre vivant, lequel engage une nou­veau jeu d’obsession.

Bombonne

A huit heures, le maire frappe du poing con­tre la porte.
-Suis au lit !
Je me réveille:
-Donne-moi dix min­utes!
Le temps de me ras­er, il entre avec son marteau-piqueur et attaque le socle de douche. La veille, après six heures de route, j’ai débal­lé, aspiré, récuré.
-Ouvre les fenêtre, il va y avoir de la farine!
Aus­sitôt, les meubles sont blancs, des éclats de morti­er giclent sur le tapis. Puis arrivent les plom­biers, à recu­lons, à bord d’un camion plus gros que la rue. Pour s’ex­tir­p­er du véhicule, il leur faut pass­er par la fenêtre.
-Jésus.
A son tour, l’autre tend la main.
-Et moi, je suis le frère de Jésus.
Je leur mon­tre les robi­nets que j’ai apporté de Lau­sanne (la semaine dernière, je me suis sou­venu que nous étions Mon­frère et moi dis­trib­u­teurs de matériel san­i­taire, société en liq­ui­da­tion mais tou­jours livrable).
-Si c’est du Suisse, fait Jésus, c’est pas de l’Es­pag­nol.
-C’est Alle­mand.
Il soupèse le mit­igeur, le fait réson­ner d’un coup de clef à mol­lette.
- En tout cas, c’est pas du Chi­nois.
Quand il a fini l’in­stal­la­tion, il regarde ma chaudière (je sais ce que c’est, parce qu’on a pris soin de me le dire: c’est une chaudière. Un mod­èle des années 1970 qui ressem­ble à un frigidaire).
-Où sont les bou­tons? dis-je.
-Mm? Der­rière… Mais il y a quelque chose que je ne com­prends pas. Jésus!
L’autre descend et con­firme:
-Oui, quelque chose ne va pas.
Il suit les tuyaux de cuiv­re et con­clut:
-Votre eau chaude, elle vient de chez le voisin.
-Il ‘y a pas de voisin.
-Alors vous avez une bom­bonne d’eau chaude.
-Non.
-Si, mais elle est cachée.
Et en effet, après avoir toqué con­tre tous les murs de la mai­son pour voir si l’un d’en­tre eux sonne creux, je décou­vre une trappe dans le pla­fond, l’ou­vre et voici une bombonne.

Destin

Après une longue séance d’écri­t­ure, il roula sur son cray­on et mourut.