A huit heures, le maire frappe du poing contre la porte.
-Suis au lit !
Je me réveille:
-Donne-moi dix minutes!
Le temps de me raser, il entre avec son marteau-piqueur et attaque le socle de douche. La veille, après six heures de route, j’ai déballé, aspiré, récuré.
-Ouvre les fenêtre, il va y avoir de la farine!
Aussitôt, les meubles sont blancs, des éclats de mortier giclent sur le tapis. Puis arrivent les plombiers, à reculons, à bord d’un camion plus gros que la rue. Pour s’extirper du véhicule, il leur faut passer par la fenêtre.
-Jésus.
A son tour, l’autre tend la main.
-Et moi, je suis le frère de Jésus.
Je leur montre les robinets que j’ai apporté de Lausanne (la semaine dernière, je me suis souvenu que nous étions Monfrère et moi distributeurs de matériel sanitaire, société en liquidation mais toujours livrable).
-Si c’est du Suisse, fait Jésus, c’est pas de l’Espagnol.
-C’est Allemand.
Il soupèse le mitigeur, le fait résonner d’un coup de clef à mollette.
- En tout cas, c’est pas du Chinois.
Quand il a fini l’installation, il regarde ma chaudière (je sais ce que c’est, parce qu’on a pris soin de me le dire: c’est une chaudière. Un modèle des années 1970 qui ressemble à un frigidaire).
-Où sont les boutons? dis-je.
-Mm? Derrière… Mais il y a quelque chose que je ne comprends pas. Jésus!
L’autre descend et confirme:
-Oui, quelque chose ne va pas.
Il suit les tuyaux de cuivre et conclut:
-Votre eau chaude, elle vient de chez le voisin.
-Il ‘y a pas de voisin.
-Alors vous avez une bombonne d’eau chaude.
-Non.
-Si, mais elle est cachée.
Et en effet, après avoir toqué contre tous les murs de la maison pour voir si l’un d’entre eux sonne creux, je découvre une trappe dans le plafond, l’ouvre et voici une bombonne.