Mois : octobre 2017

Ne rien faire

Que cer­tains aient pour préoc­cu­pa­tion cen­trale de ne rien faire me fascine. Quelle valeur peut bien avoir le rien-faire lorsqu’il n’est pas apposé au faire?

Thovil-Yakku (citation)

“Les grands arché­types spir­ituels de l’hu­man­ité recè­lent des évi­dences oubliées. Ain­si, l’ir­ra­tionnel, la télé­pathie et la clair­voy­ance ne sont que des reli­quats très anciens de fonc­tions essen­tielle­ment ani­males qui sup­pléaient à des carences intel­lectuelles que nous avons pu combler au fur et à mesure de notre évo­lu­tion, et que nous voyons dis­paraître. Les ani­maux en général ont con­servé ces fonc­tions. Les chiens hurlent à la mort, refusent de manger parce que leur maître est décédé à huit cent kilo­mètres ou parce qu’il mour­ra le lendemain.”

But invisible

Avec Ste­fan Zweig, je crois fer­me­ment à cette idée que “la véri­ta­ble ori­en­ta­tion d’une car­rière est déter­minée du dedans; si absur­de­ment que notre chemin sem­ble s’é­carter de l’ob­jet de nos vœux, tou­jours il finit par nous ramen­er à notre but invisible”

Retour à la mer

Prévoy­ant, j’ai pris con­tact il y a deux jours avec une pro­prié­taire de garage. Son annonce dis­ait: “grandes places, voitures hors-gabar­it et bateaux”. Elle m’at­tend devant l’im­meu­ble. Pose des ques­tions. Méfi­ance typ­ique: bien… mais vous n’êtes pas espag­nol? “Ah, vous habitez ici? Où?”. Je lui dis. C’est à cinq cent mètres. Son immeu­ble est au 159, le mien au 198 de la même rue.
-Je ne vois pas.
-En face de l’hôpi­tal des urgence.
-Mm…
-La place de la Con­sti­tu­tion, vous voyez?
-Quelle place?
Je sais, elle s’ap­pelle “Al-Andalus”, mais les gens…
-Non… En tous, cas on est bien ici, c’est un des meilleurs endroits au monde!
Sauf qu’après avoir risqué trois fois d’emboutir la porte automa­tique et les pots de fleurs de l’al­lée, je renonce à gar­er mon tank. Autant dire qu’elle pen­sait à des bateaux de petite taille, chaloupe et canots..

Droits

Plus l’E­tat par­le de droits moins il y en a. En par­ler, c’est établir des normes, pos­er des lim­ites donc trans­fér­er les droits de l’in­di­vidu à l’Etat.

Catalan

Jor­di Sanchez, prési­dent de l’Assem­bleé Nationale Cata­lane, empris­on­né, sol­licite son trans­fert après avoir été reçu au réfec­toire par les autres pris­on­niers aux cris de  “Vive l’Espagne!”.

Suisse

Au cours des dernières vingt années, j’au­rais quit­té la Suisse pour des raisons divers­es. D’abord, après des années de squat en vil­la, afin d’éviter d’être logé en apparte­ment, ce qui m’a tou­jours paru la plus grande des mis­ères de notre siè­cle. Puis afin de dis­tinguer entre le régime du tra­vail et celui du loisir, achetant une mai­son en France, à soix­ante kilo­mètres de Genève. Mais hier, je voy­ais à l’év­i­dence la rai­son qui en 2015 m’avait fait quit­ter Fri­bourg (et jusqu’i­ci sans le moin­dre vel­léité de retour): dans l’é­tat actuel de notre société, il est impos­si­ble d’avoir con­fi­ance dans les incon­nus avec qui nous sommes tenus de partager notre vie au quo­ti­di­en. Les Espag­nols, plus gré­gaires que les Suiss­es, ont gardé le bon sens. Certes, il sont fer­més, xéno­phobes et peu cul­tivés, mais en tant qu’é­tranger, j’ai plus con­fi­ance dans n’im­porte quel Espag­nol que dans ces gens du monde entier que con­ti­en­nent nos rues suisses.

Espagne 2

Enchante­ment de la nature qui pro­duit dans l’âme des effets inouïs car, con­tre toute attente et plus encore con­tre mes habi­tudes de car­ac­tère, arrêté un instant dans une sta­tion-ser­vice de Fuentes (vil­lage de pierre dans le couch­er de soleil, arbres qui remuent en silence dans la brise), j’en­tre­prends aus­sitôt la jeune fille qui me fait le plein et avec tant de spon­tanéité qu’elle me fait adieu du bout des doigts, un sourire gour­mand au vis­age, se tour­nant pour voir si par hasard je ne chang­erais pas d’avis.

Espagne

Que je me sou­vi­enne, jamais je n’ai vu un aus­si bel automne. Bien sûr, cela dépend des pos­si­bil­ités du paysage. De sa grandeur, de sa var­iété, de son isole­ment. La sen­sa­tion de lumière, de matéri­aux détachés et voy­ageant dans cet espace immense qu’est la Castille cen­trale m’ac­com­pa­gne depuis plusieurs jours. Ain­si déployée, la nature ramène l’homme à sa mod­estie native que la ville tou­jours condamne.

Teruel

L’une des plus belles routes d’Es­pagne, la N‑330/N‑420 de Teru­el à Cuen­ca. Après le haut plateau d’Aragon aux éten­dues rougis­santes, la nationale plonge dans le lit du fleuve Turia qui coule vers le sud et Valence. Découpées en blocs poudreux devant l’hori­zon, les mon­tagnes ont le pro­fil des “mon­u­ments” du Col­orado mais sur les berges qui lèchent la route pousse à foi­son une herbe verte et lumineuse. La voiture cir­cule dans des méan­dres, rase une falaise creusée par endroits de main d’homme et qui fait un pont au-dessus du capot. Le pre­mier vil­lage de cette val­lée pri­maire se nomme Libros. Assis au pied des maisons, les habi­tants fix­ent par-dessus la riv­ière des chapelles enfouies dans les grottes. Puis la route monte brusque­ment pour attein­dre la frondai­son des arbres et ces arbres sont de toutes les var­iétés, soles dont le bran­chage traîne sur le flot, rangs de peu­pli­ers, petits chênes, sap­ins poin­tus. La route pour­suit, tan­tôt encais­sée et il faut alors lever les yeux pour attrap­er les tach­es de soleil qui dérivent con­tre les chem­inées de fée, tan­tôt juchée sur la falaise et alors la vue embrasse le val­lon. En même temps, je lis la carte crainte de man­quer la bifur­ca­tion qui doit me ramen­er en Castille sauf rejoin­dre la Méditer­ranée (aidé par un Hol­landais qui, plus admi­ratif que moi s’il est pos­si­ble, con­duit à 30km/h). A Tor­re­ba­ja, la colonne de voitures se sépare. Je grimpe à tra­vers le vil­lage, le paysage s’ou­vre, c’est la Manche. La route est large, lisse et haute. Pen­dant une heure, je roule seul en direc­tion des ter­res mortes et de ses grands effon­drements (les Tor­cas). A l’oc­ca­sion un tracteur décroche d’un vil­lage à demi-enter­ré, puis à nou­veau les monts rem­plis­sent le ciel, verts, noirs et crayeux — j’ou­vre grands les fenêtres, ils sont odor­ants. Pas de col, rien que des hauts et des bas, des ram­pes placées sur les côtes, cette lumière cha­toy­ante des forêts d’au­tomne et un sen­ti­ment d’infini.