Repas dans la salle commune de l’hôtel. L’ouverture des portes est à 19h30. Un couple a pris place. J’entre. Le maître d’hôtel, de complicité avec ces premiers convives, adresse des blagues salaces à la fille de cuisine qui ne s’en laisse pas dire, rétorque, rit et nous fait rire, puis tout se précipite: en moins de cinq minutes, les tables se remplissent, la soupe est servie, les nouvelles du jours circulent.
-Avez-vous un caoutchouc? Je veux dire un joint de lavabo.
-Comment?
-C’est simple, où êtes-vous?
Car il faut comprendre que tous les commensaux résident sur place. Les chambres sont réparties autour du jardinet aux grenouilles, les pensionnaires sortent et entrent en fonction du rythme de leur cure et se retrouvent ici, le soir, fatigués, polis et par-dessus tout joueurs.
-Au-dessus de la tonnelle, fait la dame qui visiblement cherche à se représenter le “caoutchouc” du Monsieur.
-Oh, alors vous n’avez pas de fenêtre!
-Mais on a le soleil du soir, s’offusque le mari.
-A l’aplomb de la tonnelle? Impossible! Bref, mon joint, c’est ahurissant, il est démonté.
-Il paraît que la première année, répond la dame, les serviettes-éponges étaient plus épaisses.
Cependant, la fille de cuisine vient de déposer devant moi six huîtres, et là-bas, au fond de la salle, les ayant remarquées, une dame qui a plus de poil que de cheveux sur le crâne repousse son assiette de soupe:
- Je veux des huîtres!
-Madame Figeas, ce Monsieur est de passage. Tenez, je vous mets la soupe! Vous prenez la salade ce soir?