Martines 2

Repas dans la salle com­mune de l’hô­tel. L’ou­ver­ture des portes est à 19h30. Un cou­ple a pris place. J’en­tre. Le maître d’hô­tel, de com­plic­ité avec ces pre­miers con­vives, adresse des blagues salaces à la fille de cui­sine qui ne s’en laisse pas dire, rétorque, rit et nous fait rire, puis tout se pré­cip­ite: en moins de cinq min­utes, les tables se rem­plis­sent, la soupe est servie, les nou­velles du jours cir­cu­lent.
-Avez-vous un caoutchouc? Je veux dire un joint de lavabo.
-Com­ment?
-C’est sim­ple, où êtes-vous?
Car il faut com­pren­dre que tous les com­men­saux rési­dent sur place. Les cham­bres sont répar­ties autour du jar­dinet aux grenouilles, les pen­sion­naires sor­tent et entrent en fonc­tion du rythme de leur cure et se retrou­vent ici, le soir, fatigués, polis et par-dessus tout joueurs.
-Au-dessus de la ton­nelle, fait la dame qui vis­i­ble­ment cherche à se représen­ter le “caoutchouc” du Mon­sieur.
-Oh, alors vous n’avez pas de fenêtre!
-Mais on a le soleil du soir, s’of­fusque le mari.
-A l’aplomb de la ton­nelle? Impos­si­ble! Bref, mon joint, c’est ahuris­sant, il est démon­té.
-Il paraît que la pre­mière année, répond la dame, les servi­ettes-éponges étaient plus épaiss­es.
Cepen­dant, la fille de cui­sine vient de dépos­er devant moi six huîtres, et là-bas, au fond de la salle, les ayant remar­quées, une dame qui a plus de poil que de cheveux sur le crâne repousse son assi­ette de soupe:
- Je veux des huîtres!
-Madame Figeas, ce Mon­sieur est de pas­sage. Tenez, je vous mets la soupe! Vous prenez la salade ce soir?