Au supermarché du village, devant ces pommes jaunes, calibrées, brillantes, vendues par lot de dix, je retiens Gala:
-Elles n’ont pas l’air bonnes!
Trop tard, les voici dans notre caddie. Peu après, elles sont dans la coupe à fruits. La semaine suivante, nous quittons l’Andalousie pour les Pyrénées — avec les pommes. Toujours aussi jaunes et rondes, elles occupent le plan de travail de notre cuisine, puis embarquent dans le coffre de la BMW à destination de Toulouse. Six jours passent, elles sont de retour dans les Pyrénées. Je les compte: il y en a toujours dix. Je ne me reproche rien, ma première réaction préfigurait mon attitude: je n’en mangerai pas. Gala s’était récrié: tu dois manger des fruits! Sonne l’heure du départ pour la Suisse. Comme Gala ne veut rien amener chez son fils, elle fourre les pommes dans un sac à commissions avec un chou, du céleri, un pot de miel, un demi paquet de café. Celui-ci reste chez Mamère, dans l’entrée de la ferme, pendant quatre jours, après quoi il regagne le coffre de la voiture. Depuis sept jours que nous sommes à Munich, les pommes sont là, dans un panier d’osier, inchangées, rondes et solides comme le premier jour. Nul doute, ce sont d’excellentes pommes, elles font illusion. L’avenir dira si elles tiendront le retour en Andalousie