Le jardin est en surplomb, il donne sur trois maisons qui ont chacune un jardin et dix cheminées. Les gens saluent, mangent, fument et se reposent, ils discutent par-dessus les haies de rosiers et de vigne. Le matin, je coupe l’herbe au sécateur. Particularité des achats en supermarché : ils ne remplissant pas leur fonction. Des utilitaires pour citadins, porteurs d’illusion. Un sécateur sert à évoquer le jardinage pas à travailler. Or, la mauvaise herbe est à un mètre. L’après-midi, j’arrache à la main. Cela ne suffit pas. Nous roulons trente kilomètres pour trouver une petite débroussailleuse. Elle serait efficace si ces herbes n’avaient la peau aussi dure. Heureusement, j’ai prévu. Je me suis muni d’un sécateur. Il fait de merveilles (je me fais les poignets). Ensuite, j’évacue à la brouette, je balance dans le lit de la rivière comme ont dit de faire les anciens d’Agrabuey. Puis je prends place à la table de marbre (le quatrième et dernier des meubles que j’ai achetés avec la maison) qui occupe la partie empierrée du jardin et voit que ça n’ira pas, dans quelques mois j’aurai la même broussaille. Je monte en voiture, je vais acheter une pelle. En vitrine, elle a l’air robuste. Elle l’est. Un manche de bois verni, un métal gris, épais et tranchant. Je retourne les mottes, casse et laboure. En fin de compte, ce morceau de terre m’aura coûté deux jours de manœuvres. Je range mes outils et vient la récompense, l’orage éclate. Tandis que la pluie crépite sur la terre retournée, nous prenons l’apéritif à l’abri du prunier rouge.