Agrabuey a trente habitants. Un chiffre. S’ils existent, c’est sur les listes de la mairie. Comme à Gimbrède autrefois, ceux que l’on croise tiennent sur les doigts des deux mains. Mais nous sommes en Espagne, il y a un bar. Il occupe les locaux de l’ancienne école. Elle fait aussi clocher depuis que l’église est sans curé, celui-ci préférant son second métier de professeur de ski. Le samedi, à sept heures, les dames du village se réunissent. L’hiver, elles boivent du chocolat, l’été de la horchata. Gala part avec Maria-Cruz. A huit heures un quart, les hommes ont le droit de les rejoindre. Ils s’installent au bar. Ignorant des coutumes, j’arrive le premier et m’installe avec ces dames autour d’une table ovale. Amparo (protection), l’aînée, a quatre-vingt-six ans, la plus jeune soixante. L’une d’entre elles me désigne un tableau, il représente le village.
-Peint par votre voisin.
Celui-ci, ayant entendu, précise :
-C’est une vue depuis la mairie, comme si celle-ci n’existait pas.
Quittant le bar avec sa femme et ses deux filles, le maire nous tape dans le dos :
-Portez-vous bien !