Ravensburg

Les Alle­mands, maîtres de civil­i­sa­tion; voilà ce qui vient à l’e­sprit du promeneur qui chem­ine dans la ville médié­vale de Ravens­burg. Les habi­tants roulent à vélo, revê­tent l’habit pour déje­uner sur le trot­toir. Ils salu­ent, vont en famille ou deux par deux, boivent, s’a­musent et tra­vail­lent comme s’ils étaient à la fête. De l’eau coule dans un canal, plan­tées par les voisins, les fleurs poussent pour l’a­gré­ment du quarti­er, les rares voitures roulent au pas et en silence. Devant tant de per­fec­tion, le doute s’insin­ue: s’ag­it-il d’une représen­ta­tion? Oui et non — c’est une terre favorisée, une ville petite, et de ce lieu ancien et beau, cha­cun assume l’héritage. C’est ce qu’il con­vient d’ap­pel­er “civil­i­sa­tion”. Com­ment com­pren­dre alors cette impor­ta­tion décidée, encore plus choquante dans cet envi­ron­nement cul­tivé, peut-être unique au monde, d’êtres à l’é­tat demi-sauvage prélevés sur les stocks du con­ti­nent africain? Nom­breux, isolés, hagards, les bras bal­lants, la face pat­i­bu­laire, chaussés et habil­lés comme des papes par les mar­ques inter­na­tionales, ils déam­bu­lent sans fin, mi-jubi­la­toires mi hon­teux. Au pays de la rai­son, il doit en exis­ter plus d’une à leur présence; je priv­ilégie celle-ci: leur inté­gra­tion par iner­tie par­mi les femmes les moins favorisées du peu­ple afin de pro­duire de la force de tra­vail comme on pro­dui­sait autre­fois de la chair à canon.