La route est arrêtée par une coulée de neige. Je tourne la voiture dans le sens du retour, nous poursuivons à pied dans l’herbe, dans la boue, sur une neige artificielle molle et dure. Gala désigne en contrebas un gros chalet.
- Donne les clefs, je vais chercher mon livre, on se retrouve à la buvette.
Nous continuons. Au loin, parfois, un skieur glisse entre deux prés terreux. Gala s’éloigne. J’évalue la distance jusqu’à la buvette. Un kilomètre? Deux? Le drame. Elle va disparaître. Je serai responsable. D’ailleurs, est-ce une buvette? A mesure que nous montons, Aplo s’exclame: “c’est beau, c’est vraiment beau!” Luv s’occupe des ses baskets en toile claire et de ses chevilles nues. Une heure plus tard, nous sommes près du Col de Joly. Nous rebroussons chemin. Direction le gros chalet, “la buvette” comme a dit Gala. Sur la terrasse de planches, chaises renversées sur les tables. La porte est ouverte. La salle de restaurant est dans le noir. Une voix appelle:
-Par ici Alexandre!
Derrière un rideau de couverture, un bar de montagne. Dix employés applaudissent notre entrée. Aplo et Luv sont effrayés. La serveuse, les moniteurs, le cuisinier, les aides, les saisonniers et le paysan du coin. Ivres et joyeux. Ils parlent remonte-pentes, Laos, surf, parlent encore de Lille d’où est originaire un bonhomme à moustache qui précise:
- Exilé fiscal, j’habite en Belgique, pour ne pas payer l’ISF!
Ses gens dont nous ne savons rien savent tout de nous. Et Gala par-ci, et Gala par là, des copains de toujours. Ils tendent des bières, nous félicitent:
-Alors comme ça, vous étiez perdus!
Et Gala:
- Je leur ai dit que tu étais un colosse!
Il est vrai; nous venons de marcher une petite heure, sur un chemin, dans le soleil, en badinant.…
Et le paysan du coin, cramoisi:
- La nature, ça ne pardonne pas.