Descente

Dor­mi avec le désir de ne plus se réveiller; en même temps je pen­sais à Prague, à ce voy­age que j’hésite à faire pour aller vis­iter l’ex­po­si­tion de mon ami et entre deux péri­odes de som­meil, dans la lumière blanche, se for­mait l’im­age de l’a­gence de voy­ages, au bout de la rue, après le grand mûri­er qui coule son jus som­bre sur les trot­toirs de la prom­e­nade: hier déjà, la grosse dame dis­ait, “ce sont les derniers bil­lets à ce prix”. Je me ren­dors. La chaleur me réveille. Il fait 32 degrés. Gala est de mau­vaise humeur. Tan­tôt, elle a mangé dans sa cham­bre, s’in­surgeant con­tre ce cli­mat tout-puis­sant. Je n’ai pas ce prob­lème, jamais froid et je sup­porte la chaleur. Mais dormir, c’est autre chose: l’ex­péri­ence du coma. Dans l’im­mé­di­at le coma me va très bien, il faut que je me débar­rasse de cette fatigue accu­mulée, des heures d’écri­t­ure et des heures d’en­traîne­ment. Je me ren­dors. Il est huit heures quand je reprends vie, un petit vent bal­aie la plage. Je lui tourne le dos, quitte la ville et monte dans les collines. A mi hau­teur, un gira­toire ren­voie les auto­mo­bilistes vers la mer. C’est le cimetière. En fait un colom­bar­i­um. Juché, peint à la chaux, blanc comme sucre. La même archi­tec­ture de nich­es qu’au Mex­ique lorsque je grim­pais du fond de la val­lée de Gua­na­ju­a­to pour lire les noms des tombes en espérant trou­ver des mineurs morts dans le désas­tre de Marfil. Du gira­toire, je m’en­gage dans les collines. Le chemin con­duit à des vil­las aban­don­nées. Plus que cela, van­dal­isées (même les azule­jos de la vierge qui bap­tisent l’en­trée ont été trit­urés au tournevis). Des maisons con­stru­ites sans per­mis que leurs pro­prié­taires ont quit­tées encadrés par la garde civile. Ensuite, les voy­ous se sont fait la main. Je pour­su­is sur un sen­tier de ronces, de cac­tus et d’o­liviers. A la fin, je donne sur une urban­i­sa­tion de vil­las mitoyennes pro­tégée de hauts murs. Cepen­dant, le sen­tier se pro­longe. J’at­ter­ris sur une ter­rasse privée, les chiens se déchaî­nent, je recule. Il y a une clô­ture. A force de chercher, je trou­ve un pas­sage. Quelqu’un a cisail­lé le treil­lis — génie habituel de l’or­dre et du désor­dre. Je saute sur un park­ing où les enfants su quarti­er jouent à la balle, pour­suit mon ascen­sion, bute sur l’au­toroute, tra­verse le quarti­er dans l’autre sens et aboutit devant le Lidl où je rem­plis mon sac à dos de bière.