Mois : avril 2017

Horloge

Je ne me pré­cip­ite pas quand la journée com­mence, mais je resterais bien quand elle finit.

Circonlocution

Demain Jésus n’est pas mort.

Avion

Jamais je n’ai aimé l’avion. Il me fascine. Enfant, je rete­nais mon souf­fle. Les hôt­esses de la Finnair, quand je voy­ageais à bord de Boe­ing 727 à moitié vide à des­tinés à Helsin­ki m’ap­pa­rais­saient comme des fig­ures surhu­maines qui me sauraient gré de demeur­er muet dans mon siège tout au long du vol. Aujour­d’hui, à l’heure de la bétail­lère générale, je me demande plutôt si le robot , au moment de me trans­porter dans le ciel na va pas chang­er d’avis. Et j’ai un volé demain matin.

Noir

Folie des grands acteurs du dark met­al. May­hem, Gor­gor­toh, Abbath. Ils la met­tent en musique et en scène pour ne pas suc­comber au quo­ti­di­en. Elle les enferme dans leur mytholo­gie satanique et recon­duit la folie.

Détacher

Sans cesse j’imag­ine une lit­téra­ture sans accroche, détachée du poids de l’in­ten­tion. Nul doute que celui-ci ne se soit allégé (par rap­port au XVI­Ième?), mais il con­tin­ue de tir­er l’écrivain vers d’oblig­a­toires con­séquences. Les  ten­ta­tives de rup­ture vio­lente ont mar­qué le siè­cle révo­lu­tion­naire, le précé­dent, mais ni les potach­es tra­vail­lant le vit­ri­ol der­rière Jar­ry ni les adeptes automa­tiques de Bre­ton ni, dans l’autre con­ti­nent, le flux de con­science des hip­pies, mal­gré les génies embar­qués dans l’af­faire n’ont réus­si à pro­duire à la fois des textes délivrés et ren­ver­sant le réel (notant cela, j’ai un doute quant à la per­ti­nence de l’af­fir­ma­tion s’agis­sant de la fausse oral­ité des beats, ludions d’une élo­quente effi­cac­ité); ce qu’il faudrait, c’est une vaste orai­son, mot pro­duisant des dis­cours pro­duisant des mots, sans quit­ter du regard ce réel ter­restre pour­ri et inféodé au puis­sant organ­i­gramme de l’élec­tron­ique dans lequel cir­cu­lent nos corps rou­tiniers. Per­son­ne moins que moi ne s’est mon­tré capa­ble d’une telle prouesse, dia­bolique­ment infor­mé que je suis par les tel­luriques de l’in­vis­i­ble académie du rationnel qui enseigne à coups de matraque (mais le recevoir per­met aus­si de vivre dans une société de paix) que l’idée bien for­mée précède l’ex­pres­sion. Eh bien, je crois le moment venu de pass­er out­re. Don­ner dans la geste, pren­dre ses out­ils d’écri­t­ure pour les jeter devant soi. Il faut essay­er. Je vais essay­er. D’ailleurs, il n’y a pas un soir que je ne me couche en essayant, cela depuis dix, vingt ans même. Mais je réser­vais cette lit­téra­ture sans accroche et des moments mar­gin­aux, je les y cantonnais. 

Nous

Nous sommes la dernière généra­tion dan­gereuse. Après, nous aurons passé le stade de l’homme.

Profiter

La péri­ode est mau­vaise; resplendis­sant le temps et heureux les gens au vil­lage à l’ap­proche des pro­ces­sions de Pâques, douce la mer,  vivantes les plages, mais mau­vaise la péri­ode. Comme si les déci­sions pris­es en novem­bre venaient à matu­rité aujour­d’hui — l’achat de la mai­son de mon­tagne, ce nou­v­el apparte­ment. Pachy­der­mique selon son habi­tude, la grande admin­is­tra­tion du réel s’est mise en bran­le. Elle lâche ses fruits sur ma tête. J’es­suie. Tout à mes cor­rec­tions, je dois m’in­ter­rompre, faire des télé­phones, pren­dre un avo­cat, pro­test­er, écrire des let­tres. Et puis il y a la par­tie matérielle, l’in­stal­la­tion, l’oc­cu­pa­tion des sur­faces, la con­quête du vide. Les lits que l’on m’ap­porte ont la bonne taille, mais les pieds sont mal posi­tion­nés, ils ne font pas gigogne; j’achète une scie sauteuse pour découper un meu­ble, il me tombe dans les mains, retourne à la pous­sière; il faut évac­uer, faire un tas, peller, inc­inér­er. Jesus appelle. Il a enfin trou­vé la solu­tion pour l’or­di­na­teur. En effet, branché dans le salon, il démarre, veut bien m’é­couter, s’ou­vrir. Mais alors, les câbles sont trop courts et me voici repar­ti chez les Chi­nois. Gala, une fois de plus men­ace de faire ses valis­es. Pourquoi? Je ne sais plus. On sait une fois, deux… après, on perd le compte. Je file au club, ma bats pen­dant deux heures. Me voilà requin­qué. Mais alors je suis épuisé. Je monte à l’é­tage, je dors dix heures. Pen­dant ce temps, les fruits con­tin­u­ent de peser sur les branch­es et de s’a­bat­tre sur ma tête. L’ad­min­is­tra­tion occupe le ciel. Non sans sur­pris­es d’ailleurs: l’av­o­cat dont je réclame l’in­ter­ven­tion pour qu’il me récupère une somme qu’une société de com­merce a abu­sive­ment prélevé sur mon compte me dit: “écoutez, aban­don­nez! Vous avez rai­son, ces multi­na­tionales sont des voleurs, mais nous allons vous rem­boursez, entre­pren­dre quoique ce soit sur ce dossier serait trop incer­tain”. Jus­tice chaque jour dif­férée. Vous qui avez rai­son, vous avez tort! Du Beau­mar­chais! Qui s’y con­nais­sait en jus­tice, lui qui n’a fait que fuir. Cepen­dant, les cor­rec­tions de l’es­sai sont en attente sur le bord du bureau. Et il me faut une chemise pour le salon du livre, une torche pour les exer­ci­ces de nuit, un veste pour le ski, des lattes aus­si, à moins qu’il n’y  ait plus de neige en Savoie, donc il fau­dra des chaus­sures de marche, et une voiture… pour aller en France, et un per­mis, pour pass­er la fron­tière. Com­mençons par le début: demain, il y a l’avion pour la Suisse. J’i­rai le man­u­scrit sous le bras. Une fois passé les vingt min­utes de bla-bla sécu­ri­taire (un masque res­pi­ra­toire a‑t-il jamais sauvé le pas­sager d’un avion qui s’écrase?), on vous laisse prof­iter de votre mètre car­ré d’e­space vital. Profitons!

Nuage d’inconnaissance

La fia­bil­ité de l’in­for­ma­tion est aujour­d’hui rev­enue au niveau qui fut le sien avant l’in­ven­tion du télé­graphe, et cela par des raisons inverse­ment pro­por­tion­nelles: l’im­pré­ci­sion liée à la mul­ti­plic­ité des inter­mé­di­aires autre­fois, la sat­u­ra­tion des rap­ports liée à l’im­mé­di­ateté de la dif­fu­sion aujourd’hui.

Délibération

Si j’ai tort, on me saura gré que j’es­saie de me faire enten­dre raison.

Plage

Mer­veilleuses ces familles de quinze per­son­nes qui s’in­stal­lent pour la journée sur la plage avec la moitié du con­tenu de leur appartement!