Profiter

La péri­ode est mau­vaise; resplendis­sant le temps et heureux les gens au vil­lage à l’ap­proche des pro­ces­sions de Pâques, douce la mer,  vivantes les plages, mais mau­vaise la péri­ode. Comme si les déci­sions pris­es en novem­bre venaient à matu­rité aujour­d’hui — l’achat de la mai­son de mon­tagne, ce nou­v­el apparte­ment. Pachy­der­mique selon son habi­tude, la grande admin­is­tra­tion du réel s’est mise en bran­le. Elle lâche ses fruits sur ma tête. J’es­suie. Tout à mes cor­rec­tions, je dois m’in­ter­rompre, faire des télé­phones, pren­dre un avo­cat, pro­test­er, écrire des let­tres. Et puis il y a la par­tie matérielle, l’in­stal­la­tion, l’oc­cu­pa­tion des sur­faces, la con­quête du vide. Les lits que l’on m’ap­porte ont la bonne taille, mais les pieds sont mal posi­tion­nés, ils ne font pas gigogne; j’achète une scie sauteuse pour découper un meu­ble, il me tombe dans les mains, retourne à la pous­sière; il faut évac­uer, faire un tas, peller, inc­inér­er. Jesus appelle. Il a enfin trou­vé la solu­tion pour l’or­di­na­teur. En effet, branché dans le salon, il démarre, veut bien m’é­couter, s’ou­vrir. Mais alors, les câbles sont trop courts et me voici repar­ti chez les Chi­nois. Gala, une fois de plus men­ace de faire ses valis­es. Pourquoi? Je ne sais plus. On sait une fois, deux… après, on perd le compte. Je file au club, ma bats pen­dant deux heures. Me voilà requin­qué. Mais alors je suis épuisé. Je monte à l’é­tage, je dors dix heures. Pen­dant ce temps, les fruits con­tin­u­ent de peser sur les branch­es et de s’a­bat­tre sur ma tête. L’ad­min­is­tra­tion occupe le ciel. Non sans sur­pris­es d’ailleurs: l’av­o­cat dont je réclame l’in­ter­ven­tion pour qu’il me récupère une somme qu’une société de com­merce a abu­sive­ment prélevé sur mon compte me dit: “écoutez, aban­don­nez! Vous avez rai­son, ces multi­na­tionales sont des voleurs, mais nous allons vous rem­boursez, entre­pren­dre quoique ce soit sur ce dossier serait trop incer­tain”. Jus­tice chaque jour dif­férée. Vous qui avez rai­son, vous avez tort! Du Beau­mar­chais! Qui s’y con­nais­sait en jus­tice, lui qui n’a fait que fuir. Cepen­dant, les cor­rec­tions de l’es­sai sont en attente sur le bord du bureau. Et il me faut une chemise pour le salon du livre, une torche pour les exer­ci­ces de nuit, un veste pour le ski, des lattes aus­si, à moins qu’il n’y  ait plus de neige en Savoie, donc il fau­dra des chaus­sures de marche, et une voiture… pour aller en France, et un per­mis, pour pass­er la fron­tière. Com­mençons par le début: demain, il y a l’avion pour la Suisse. J’i­rai le man­u­scrit sous le bras. Une fois passé les vingt min­utes de bla-bla sécu­ri­taire (un masque res­pi­ra­toire a‑t-il jamais sauvé le pas­sager d’un avion qui s’écrase?), on vous laisse prof­iter de votre mètre car­ré d’e­space vital. Profitons!