Rois

Le vocab­u­laire idéologique s’étoffe. Mots-anathèmes, mots-vendeurs, antiphrases, expres­sions figées, néol­o­gismes de marchan­di­s­a­tion. La liste s’al­longe. Il y faudrait un dic­tio­n­naire de la mon­di­al­i­sa­tion. Ce vocab­u­laire, fab­riqué à des­sein, dif­fusé par les moyens de presse, repris par la pub­lic­ité, est bien­tôt adap­té par le com­mun. La parole de l’in­di­vidu le viv­i­fie. Je mets au défi quiconque d’ex­pli­quer le sens de “pop­ulisme” sinon par l’usage. His­torique­ment, les fab­riques con­ceptuelles ont tou­jours précédé les manœu­vres guer­rières. La guerre n’est pas que réu­nion de canons et de corps. Elle peut pren­dre bien des formes. Dans cette phase descen­dante du cap­i­tal­isme, l’idéolo­gie vise pri­or­i­taire­ment à con­serv­er les acquis du sys­tème, ce qui en sit­u­a­tion de réces­sion implique leur con­cen­tra­tion sur une minorité. Analysée à l’aune de ce principe, l’im­mi­gra­tion est avant tout un vecteur de lutte anti-cri­tique et un out­il de démo­li­tion des lib­ertés sociales. Chaque immi­gré importé sur le ter­ri­toire européen ren­force la tiers-mondi­s­a­tion. Or, toutes les sociétés du tiers-monde ont ceci en com­mun: la coex­is­tence sur leur ter­ri­toire de groupes antag­o­niques, l’un majori­taire et mis­érable, l’autre minori­taire et priv­ilégié. Le rap­port entre les deux groupes est arbi­traire. La minorité, proclamée élite, joue le rôle de l’ar­bi­tre. Les cap­i­tal­istes les plus endur­cis de notre vieux monde, entéri­nant un mod­èle post-libéral améri­cain, se pro­jet­tent aujour­d’hui en rois nègres. Le vocab­u­laire trans­forme active­ment nos esprits afin de les pli­er à l’avène­ment de ce nou­veau par­a­digme social.