Mois : février 2017

Travail

Pas le temps. De boire un café, de rap­pel­er, pas le temps de se voir, d’aller, de venir, pas main­tenant. Pas le temps de vivre.

Réalités

Ce matin, je me suis promené à tra­vers Fri­bourg sur les traces du per­son­nage de mon roman afin de pren­dre quelques pho­togra­phies et véri­fi­er des détails. Après le boule­vard Pérolles et la Neu­veville, je remonte par les escaliers du funic­u­laire, tra­verse l’u­ni­ver­sité Mis­éri­corde et aboutit devant la mai­son où je vivais l’an dernier, un des lieux où se déroule l’ac­tion. Ayant passé plusieurs mois à imag­in­er et décrire le quarti­er, le bâti­ment réel que j’ai sous les yeux est devenu le bâti­ment fic­tif de mon livre. Et pour les per­son­nages, de même.
Alors que je remonte en direc­tion du stade afin de lire la notice con­sacrée à la sor­cière Cather­ine Répond, je songe qu’il est une heure moins le quart, l’heure à laque­lle mon per­son­nage quitte quo­ti­di­en­nement le bâti­ment pour regag­n­er son bureau et en effet, voici mon ancien voisin, celui dont le per­son­nage s’in­spire, qui sort du bâti­ment, tra­verse le jardin et descend la rue en direc­tion de l’université.

Le voyage fantastique

Fri­bourg — valise sur le dos, un cad­die rem­pli de fly­ers, je grimpe sur le colline enneigée du Guintzet. Au cen­tre de Gas­tro-entérolo­gie, une infir­mière me couche sur un lit bleu. Dans le couloir, un sapin de Noël en papi­er. A la place des boules, les vis­ages des dames qui s’oc­cu­pent des exa­m­ens. J’en par­le, car dans ces moments où l’on est aux pris­es avec la sci­ence, c’est à dire avec la fatal­ité, le moin­dre détail accroche l’oeil. L’in­fir­mière reparaît. Elle me donne une jupe, me pré­pare, pique pour l’in­traveineuse, me ras­sure. Je demande une T‑shirt. Il n’y en a pas. Elle pro­pose un ciseau. Je pour­rais découper un T‑shirt dans une jupe, sug­gère-t-elle.
Suiv­re à l’écran les prouess­es de la caméra qui remonte dans l’in­testin à quelque chose d’ef­frayant; je demande que l’on m’en­dorme. Le médecin me met sous sédatif. Quelques sec­on­des, je fixe le store. Il devient flou, mais peut-être est-ce ma vue — ces jours, elle baisse. Vingt min­utes plus tard, je me réveille. Sur le bord du lit à roulettes, un espres­so. J’avale, puis je con­state: “je viens de boire un café”.  Je m’é­tonne: “pourquoi pen­dant ces vingt min­utes, l’in­fir­mière n’a-t-elle cessé de me par­ler en espag­nol?”.
Entre le médecin:
- J’ai dû appel­er deux médecins en ren­fort pour vous maîtris­er.
- Je dor­mais!
- Oui, mais pen­dant le som­meil, vous vous êtes levé et vous avez ten­té de quit­ter la pièce.

Commande

A l’oc­ca­sion d’une réu­nion poli­tique, l’un des par­tic­i­pants apprenant que je suis écrivain me demande si je pour­rais écrire pour la fin du mois un livre sur Trump.

Duchamp

Dans l’his­toire de l’art mod­erne, pas de rac­cour­ci de pen­sée plus éton­nant que l’uri­noir de R.Mutt. Aus­si ne fut-il pas compris.

Couleurs

“Vous savez, la neige ce n’est que du blanc sur du vert, l’herbe que du vert sur du mar­ron, la terre que du mar­ron sur du rouge; quant au feu, c’est une hypothèse de physiciens.”

Communication

Vivre dans l’ar­rière-bou­tique d’un mag­a­sin, c’est drôle. Comme la vit­rine donne sur la rue, dès que l’on quitte sa cham­bre on s’ex­pose. Chaque fois que je vais piss­er, je crains de tomber nez à nez avec un passant.

Atavisme

Brusque­ment, je songe que la scène du sparadrap dans l’Af­faire Tour­nesol est métaphorique. Que c’est de soi ou d’une par­tie de soi que le cap­i­taine Had­dock et les autres voyageurs cherchent à se débarrasser.

Langue

Tirant la langue, il la trou­vait si longue qu’il craig­nait en la reprenant de ne savoir où la mettre.

Projet

Que ne fait-on taire la majorité silencieuse?