Le voyage fantastique

Fri­bourg — valise sur le dos, un cad­die rem­pli de fly­ers, je grimpe sur le colline enneigée du Guintzet. Au cen­tre de Gas­tro-entérolo­gie, une infir­mière me couche sur un lit bleu. Dans le couloir, un sapin de Noël en papi­er. A la place des boules, les vis­ages des dames qui s’oc­cu­pent des exa­m­ens. J’en par­le, car dans ces moments où l’on est aux pris­es avec la sci­ence, c’est à dire avec la fatal­ité, le moin­dre détail accroche l’oeil. L’in­fir­mière reparaît. Elle me donne une jupe, me pré­pare, pique pour l’in­traveineuse, me ras­sure. Je demande une T‑shirt. Il n’y en a pas. Elle pro­pose un ciseau. Je pour­rais découper un T‑shirt dans une jupe, sug­gère-t-elle.
Suiv­re à l’écran les prouess­es de la caméra qui remonte dans l’in­testin à quelque chose d’ef­frayant; je demande que l’on m’en­dorme. Le médecin me met sous sédatif. Quelques sec­on­des, je fixe le store. Il devient flou, mais peut-être est-ce ma vue — ces jours, elle baisse. Vingt min­utes plus tard, je me réveille. Sur le bord du lit à roulettes, un espres­so. J’avale, puis je con­state: “je viens de boire un café”.  Je m’é­tonne: “pourquoi pen­dant ces vingt min­utes, l’in­fir­mière n’a-t-elle cessé de me par­ler en espag­nol?”.
Entre le médecin:
- J’ai dû appel­er deux médecins en ren­fort pour vous maîtris­er.
- Je dor­mais!
- Oui, mais pen­dant le som­meil, vous vous êtes levé et vous avez ten­té de quit­ter la pièce.