Mois : février 2017

Vendeurs d’armes

Les vendeurs d’arme sont des gens à l’e­sprit car­ré. Leurs vues sont indu­bita­bles.
-Et ça?
-C’est une matraque clas­sique. Cuir, intérieur plomb.
-Vous per­me­t­tez? Ah oui, c’est lourd!
-C’est en plomb.
-Et pour le port…
-Le plomb n’a jamais été léger.
Et le vendeur se fige. C’é­tait un hologramme!nJe cherche une ques­tion que je pour­rais pos­er.
-… des crans d’ar­rêt à dégain­er?
Si c’é­tait un holo­gramme, il se remet en marche.
-Des crans d’ar­rêt. Cela se dégaine. Ici, là, là et dans la vit­rine au fond.
-Quelles sont les dif­férences?
Pas de réac­tion.
-Celui-là par exem­ple… Je veux dire, les dif­férences fon­da­men­tales.
-Rien n’est fon­da­men­tal. A part vous, C’est la seule dif­férence.
L’holo­gramme s’in­ter­rompt. J’es­saie les couteaux. Il se remet en marche, le vendeur retourne à son comp­toir der­rière lequel doit se trou­ver l’ac­cu:
-Si vous avez besoin de moi, je suis là-bas.

Mise au point

Les adultes sont déguisés. En réal­ité, il n’y a que des enfants.

Inquiétude

N’ap­partenir pas est ma préoc­cu­pa­tion pre­mière lorsque des liens de puis­sance étab­lis par la con­ven­tion unis­sent des indi­vidus. Elle s’ac­com­pa­gne depuis peu d’un sen­ti­ment d’in­quié­tude devant l’é­tat soli­taire qui, en rai­son d’une ouver­ture spir­ituelle lim­ité par le pes­simisme, me tasse sur mon destin.

En route pour Berne

Voitures en rangées impec­ca­bles devant l’u­sine cubique de Romont. Pro­duc­tion de capsules.

Style

La dif­fi­culté est de racon­ter et de racon­ter bien sans assem­bler en des lignes sim­ples des mots plats.

Style 2

A moins d’être un génie. Il y en a. Duras, Simenon, Handke.

Max

Bour­ré d’éther, pau­vre comme Job et grand poète du hasard, Max Jacob con­stru­i­sait des claviers à par­tir de par­ti­tions impro­visées. Ses vers qui pren­nent toutes les formes, et d’abord celles de let­tres à ses amis, m’ont tou­jours fait pen­sé à la den­ti­tion d’une reine de beauté après un match de boxe. Un style! Pré­cis et fou, intel­li­gent et chaviré, et qui lu, sem­ble s’adress­er à vous de manière directe, comme si le poète n’avait jamais atten­du d’autre lecteur.

Topographie

Ce soir le train no 9277 Paris-Lau­sanne s’ar­rête à Mouchard.

La boulangère africaine

Bonne humeur dis­tin­guée de la boulangère africaine. Pour cha­cun, elle a un mot d’at­ten­tion. Du toupet aus­si. Le deux­ième jour, j’en­tre à peine, elle récite ce que je veux et tire mon café, sur le comp­toir qui donne côté rue dépose un pain suisse donc au choco­lat. Tout en déje­u­nant, je suis le défilé des pas­sants, il est onze heures. Der­rière moi, j’en­tends la boulangère. Elle reçoit les habitués.
“Le petit? Mieux?”
“Pour les assur­ances, j’ai réfléchi à ce que vous m’avez dit…“
Ou alors: “ça va?”.
Lequel reçoit pour réponse un “ça va”.
Mais le ton n’est pas ici à la for­mal­ité, l’échange min­i­mum est enten­du, cha­cun se réfère à des choses discutées.

Goutte d’or

Des enfants sur le palier. La porte est de planche. Je ne sais pas qui ils sont, je les entends, la cage d’escalier résonne. Pas ado­les­cents, jeunes. Ils ne par­lent ni ne cri­ent, ils n’ex­pri­ment ni joie ni colère, ils aboient. Ce que je lis dés­espérés dans les mails d’Ap­lo et Luv, phras­es sans points ni majus­cules, mots con­trac­tés, propo­si­tions dis­tribuées au hasard trou­ve ici un équiv­a­lent oral: ils lan­cent une invec­tive entre deux injures, mesurent la réac­tion de l’autre, recom­men­cent. On croirait qu’il s’ag­it de tétanis­er l’ad­ver­saire. Ce sont des enfants. Ils répè­tent un mod­èle adulte.