Quelques heures avant la fermeture des banques, j’obtiens enfin mes chèques. Les fermiers de Navarre sont au nombre de sept. J’ignore s’ils s’entendent, j’ignore s’ils seront là, demain, devant le notaire, mais il faut payer séparément. Le guichetier calcule, vérifie, pianote, se trompe, s’excuse et recommence. Il va au coffre, rapporte des billets dans un carton à chaussures: ils serviront à payer l’impôt de transmission patrimoniale en liquide. Derrière, dans la salle d’attente, une client, puis deux, trois, quatre et cela continue. La plupart sont âgés. J’ai moi-même succédé à une bonne soeur à qui le guichetier disait:
- Mais ma sœur, si ce religieux est mort sans vous donner le droit de signature, comment voulez-vous que je vous paie?
Maintenant, un vieillard borgne assis dans un fauteuil roulant à commande électrique exécute des tours sur place en répétant aux nouveau venus, “le dernier, c’est moi!”. Au passage, il caresse un chien minuscule que tient en laisse un autre client. Quand l’animal s’ébroue, le handicapé lui dit:
-Pourquoi non? Pourquoi?
Vingt minutes plus tard, quand l’ensemble des opérations est passé, je vois que 350 Euros ont disparu de mon compte.
- Ah ça, je ne sais pas, dit le guichetier, allez voir la directrice et demandez-lui ce qu’il leur est arrivé.
Elle est occupée, je m’en vais.