NIF 3

La cen­trale de Police ressem­ble au vais­seau galac­tique du film Prométheus. Chi­canes, hublots, plate­forme pour héli­cop­tères, créneaux, forêt d’an­tennes. Elle occupe un quart du plus gros des car­refours de la plus longue des avenues de la ville.
- Vous avez ren­dez-vous ou vous venez chercher un tick­et pour pren­dre ren­dez-vous? De toute façon, c’est le même chose… Là, à gauche, dans le couloir.
Deux cent per­son­nes en paque­ts, harassées, nerveuses, dés­espérées. Pas de chaise, pas de lumière. Un comp­teur affiche le numéro 42.
- Où prend-t-on les tick­ets?, fais-je à un Maghrébin.
-Vous n’avez pas de ren­dez-vous? Dans ce cas, c’est l’autre file. Si vous avez de la chance, vous obtien­drez un numéro.
-Et j’en fais quoi?
-Vous revenez dans un mois.
Je me cale entre une Séné­galaise et deux Chi­nois. A bonne dis­tance, un cagibi. Un employé espag­nol passe la tête à l’ex­térieur, vin­di­catif,  débrail­lé.
-Reculez! Tous der­rière la ligne!
La Séné­galaise s’ex­cuse. Elle fait de petits pas, à recu­lons. Et désigne les Sud-Améri­cains lesquels ont reculé pour éviter que les Russ­es ne leur tombent dessus.
“Alexan­dre, me dis-je, tu as roulé une heure, tu as mis du temps à trou­ver l’aire d’at­ter­ris­sage de la navette, tu as passé au détecteur à métaux, ne craque pas!“
Ceci dit, je me tourne vers le Maghrébin.
“Jamais ça, jamais!“
Et je débar­que. Retour sur la terre ferme, la colère m’en­vahit. Brux­elles con­stru­it des palais de verre pour loger ses grands inutiles et côté du peu­ple, c’est le sché­ma d’hu­mil­i­a­tion.
Mais il faut nuancer: ces gens qui arrivent avec des gilets de sauve­tage sur la poitrine et ten­dent la main n’ont jamais con­nu que l’hu­mil­i­a­tion. D’ailleurs ils sont sur­pris, nul ne les frappe.