De tous les animaux, l’escargot est le plus émouvant. Conscient du regard enfantin qu’implique une telle affirmation, je ne m’en défends pas. Car c’est bien sûr à la coquille que j’en ai. Rampant à la verticale d’un mur, je voyais tantôt un escargot dont la coquille ne tenait au corps gélatineux que par une excroissance. Le fardeau tirait vers le bas tandis que le gastéropode gagnait le ciel. Les symboles ont leur poids dans la réception des animaux.
Mois : décembre 2016
Sens
L’année deux mil seize touche à sa fin. Les doigts d’une main suffisent à compter les discussions que j’ai eues pendant ce temps. Certes, je tiens mes distances, joue en coulisse et déménage sans raison, mais le fait pointe aussi sur le statut à venir de la parole: l’opérabilité mécanique des communications s’accompagne d’un désintérêt pour le sens.
Barbe 2
Ce qui indique que le projet d’extension infinie du capital ne néglige aucun marché. La mode de la barbe longue a relancé l’offre des coiffeurs. La croissance accompagnée des barbes et la difficulté d’entretien permettent la fidélisation du client. Les barbus investissent dans leur barbe.
Versatiles
Changer d’opinion, il le faut. Puisque le sens n’est pas donné, le changement fait loi. Mais ce changement doit être référé a des motifs intimes. Sa raison repose sur la réflexion. Des changements d’opinion qui sont autant de manières de s’accorder aux motifs du groupe, il faut se méfier absolument. Or, nous sommes à un moment charnière. Nos sociétés de masse on porté avec autorité depuis vingt ans des motifs qu’elles ont par choix tactique données pour universelles. Innombrables les individus qui les ont adoptées sans autre critique leur octroyant ainsi la force de propagation nécessaire. Ceux-là, s’apprêtent à changer d’opinions. Ils attendent la nouvelle fournée. Ils doivent être pris dans l’acte.
Eaux
Après une courte nuit ponctuées de réveils (logé dans la chambre à coucher de son maître, le chien du voisin aboie), je commande un taxi. Le ciel est gris, il pleut. Le départ du marathon est prévu pour neuf heures. En route pour Malaga, je scrute le large. Les averses cesseront avec le jour, affirme la météo. Le chauffeur dément. Il cultive des mangues dans les collines de Benagalbon et entretient un puits. Il connaît son sujet.
- Voyez cette nuée claire? Il tombe des verses sur le centre-ville.
Près de la place de taureaux, la visibilité baisse. Sur la chaussée, l’eau abonde. Un particulier enclenche ses feux de détresse et abandonne sa voiture. Nous progressons à petite allure le long de la plage. Quant au le circuit de la course, balisé avant l’aube, il est en pagaille. Le vent chasse les cônes, l’eau les emporte. Le taxi me dépose sur l’Alameda. En hauteur, les palmiers fouettent. Je passe un imperméable et cours me réfugier sous l’Auditorium du jardin des plantes. Deux coureurs m’ont précédé. Je m’échauffe. Un clochard qui dort dans un sac perd sa bouteille de vin. Il la rattrape et se rendort. Demi-heure avant l’envoi de la course. Les plus téméraires sautillent sur la grille de départ. Les shorts, les maillots, les dossard, tout ruisselle. Pendant ce temps, l’organisation consolide l’arche gonflable qui menace de s’envoler. Au micro, l’animateur annonce cinq mille participants. De l’Auditorium, j’en compte une petite centaine. L’abri ne se garnit pas; or, nous sommes à quelques mètres des boxes. La pluie redouble. Le mieux sera de cacher l’imperméable sous un fourré pour le récupérer au retour. Puis de se poster derrière le lièvre au denier moment. A neuf moins dix, une annonce: le départ de neuf heures est annulé. L’organisateur explique, ce n’est pas la pluie qui tombe, mais la pluie qui stagne, plusieurs sections de la ville sont impraticables. Prochaines nouvelles dans trois quart d’heure pour un départ reporté à 10h30. J’interroge le ciel, puis m’élance: je rentre à la maison. Sortir du parc est difficile, je marche sur des ruisseaux. Je m’engage sur le quai. Vitrifié d’eau, il patine. Les rares voitures sont perceptibles à leurs phares. Lorsqu’elles passent à ma portée, elles éclaboussent jusqu’au ciel. De l’autre côté c’est la plage. Les paillotes secouent, le sable danse. Quant à la mer, elle est rouge. Les canaux qui descendent de la montagne évacuent le sang des terres sèches. Les mouettes s’affolent. Huit kilomètres plus loin, une voiture de police coupe la route. Je continue, seul, les pieds dans l’eau, au milieu de la grande artère qui conduit à Torrox et Nerja. Un homme évacue à grands coups de seau la flotte qui noie son salon. Je cherche mon passage. Par endroits, j’enfonce jusqu’à la cheville. Soudain, un responsable du marathon se détache d’un mur.
-C’est profond?
-Oui.
Pas très gentil de ma part, puisque cela pourrait décider de l’annulation du marathon, mais maintenant que j’ai renoncé, n’est-ce pas? L’organisateur se penche pour voir. Après tout, qu’il se mouille! Qu’il juge par lui-même! Et d’ailleurs, ne suis-je pas passé? Je le salue et poursuis ma route. Un groupe de jeunes fait signe. Des bénévoles qui tiennent un ravitaillement.
- La route est coupée!
Ils me font répéter, puis tous:
-Elle est coupée, la route est coupée.
Tandis que je file en direction de la falaise, je vois les gens qui remuent sous l’abribus. Ils ont entendu, ils se demandent que faire.
Une demi-heure plus tard, j’entre dans notre appartement, je consulte le site du marathon: annulé.