Zum Aumeister

Dernière soirée à Munich. Chaleur d’or­age. Nous roulons en direc­tion de Freiman. Au bout de l’Eng­lish­er Garten, où les touristes ne vont pas, une forêt ouverte offre le meilleur jardin de bière du parc. Régime habituel: bière au litre, salades de patates, choux cru au lard, chou­croute passée, demi-poulet, saucisse de porc rouge sauce cur­ry et bret­zel géants que les con­som­ma­teurs enfi­lent sous le bras pour rejoin­dre les tables. L’am­biance est famil­iale, heureuse, sim­ple. Un cou­ple choisit une zone d’om­bre sous un arbre. La dame pose son panier d’osier. Elle déplie un nappe et l’é­tend sur la table. Son homme va chercher le repas. Si l’on veut manger et boire, il faut procéder dans l’or­dre. Der­rière le comp­toir de fer blanc, les cuisiniers en toque ser­vent les mets. Ils les déposent sur votre plateau. Lorsque la com­mande est com­plète, on s’a­vance vers les ton­neaux. Deux serveurs ser­vent la pres­sion. De la Hof­brau. Pour rem­plir une chope, il faut compter trois à qua­tre sec­on­des. Les chopes sont déposées les unes der­rière les autres. Cha­cun s’a­vance dans l’or­dre de la file d’at­tente. Le choix dépend de la couleur de la bière, blonde, blanche, brune, de la taille de la chope, demi-litre ou litre. Sur le côté, la bière-limon­ade, le radler, avec le même jeu de couleurs. Le client passe alors par une cahute où se tient une cais­sière. Engoncée dans un siège rem­bour­ré, elle porte le cos­tume tra­di­tion­nel bavarois, pour les dame, le haut chan­til­ly et la robe à volant vert. Le jardin est occupé par quelques cinq cent buveurs. Les gamines comme les grand-pères entre­choquent des Mass d’un litre. Nul ne sem­ble saoul. La plu­part des clients arrivent et repar­tent à vélo. Nou prenons le chemin du retour à la nuit com­bante et j’en­tends der­rière moi Gala qui gémit:
- Mais c’est hor­ri­ble cette forêt! C’est humide! C’est donc ça faire du vélo dans des con­di­tions hos­tiles! Alex­aan­dre! Sor­tons de cette forêt, je vais rouiller!
Mais je n’en­tend pas, je con­tem­ple cette scène: une petite famille mon­tée à bord d’un pneu­ma­tique glisse sans un mou­ve­ment de rame sur le canal qui tra­verse le parc.