Butor

Michel Butor est mort la semaine dernière. De ce sémi­naire que j’ai suivi sous sa direc­tion, à l’u­ni­ver­sité de Genève, il y a plus de vingt ans, j’ai tout oublié. C’est tout juste si je vois sa sil­hou­ette déjà bedonnante et retrou­ve le régime de sa voix, pro­lifique. Aujour­d’hui, j’aimerais savoir ce qu’il nous dis­ait. Quelques années plus tard, comme je reve­nais de mon voy­age à vélo en Syrie, il s’est assis à côté de moi dans l’avion. Il por­tait une cein­ture de cuir sur une blouse évo­quent le bleu de tra­vail. Sa barbe et sa tenue lui don­naient un air de moine. Timide, je n’ai pas osé lui adress­er la parole. D’ailleurs, il n’a pas pipé mot pen­dant le vol. Pas plus que la femme qui l’ac­com­pa­g­nait. Que des jour­nal­istes à l’in­tel­li­gence boi­teuse aient durable­ment moqué le pro­gramme esthé­tique du Nou­veau roman n’en­lève rien à la qual­ité d’écri­t­ure de ces écrivains (agacé par la rati­o­ci­na­tion de Nathalie Sar­raute, j’ad­mire en revanche Alain Robbe-Gril­let, par­ti­c­ulière­ment à tra­vers le per­son­nage de Des Esseintes et bien sûr le maître de la mémoire défail­lante, Robert Pinget).