Mois : août 2016

Augmentation

Vous aus­si rem­placez votre cœur par un cœur Kiba!

You tubers

Pro­grès con­stant de la cochon­ner­ie audio-visuelle. Il suf­fit que je passe à portée des mes enfants lorsqu’ils con­sul­tent des vidéos enreg­istrées par ces guig­nols qui se rémunèrent en débi­tant des inep­ties sur inter­net pour être pris de fris­sons de dégoût.

Chinoiseries

J’ai acheté des couteaux chi­nois. Il sont si fins, si plats, que lorsque j’en sai­sis un, il en vient sou­vent sans même que je m’en aperçoive deux ou trois.

Juge

L’an dernier, je suis con­vo­qué au tri­bunal de bon matin. La salle en sous-sol est peu éclairée, petite et grise. Les pupitres évo­quent la classe d’é­cole. Il sont courts. Je prends place mais ne sais que faire de mes jambes. Sous le plateau, elles m’oblig­ent à pren­dre la forme du banc et me don­nent un air intimidé. Pour gag­n­er quelques cen­timètres, je place mes genoux con­tre le bord du pupitre. Entre le juge et sa suite: un bou­ton­neux pre­mier de volée et une gref­fière. Le juge s’in­stalle sur l’estrade (un socle rehausse son bureau). Dans son dos, j’ai le plaisir de voir par la fenêtre des vach­es fri­bour­geois­es qui pais­sent un coteau. Le regard ren­tré, le juge manip­ule un dossier. Lorsqu’il a fini, il toise les per­son­ne présentes dans la salle, et, avant de saluer, à mon inten­tion:
- Tenez-vous bien!
Comme dit l’autre: Mais qui sont ces gens? Pour qui se prennent-ils?

Schwab

Que des hommes comme Klaus Schwab puis­sent mourir en paix, sans être inquiétés, est scandaleux.

Invitation

Mon­père m’écrit: je serai en Espagne la semaine prochaine, veux-tu venir manger? Il est à 650 kilomètres.

Impôt

Armée de tacherons de l’E­tat qui activent des pour­suites, molestent votre maman à son domi­cile, émet­tent cour­ri­ers et men­aces pour récupér­er une somme de dix-huit francs alors que dans le même  temps je verse sur la foi de leurs gri­bouil­lage arith­mé­tiques lardés de lois fis­cales plus de dix mille francs.

Souk

Me remé­morant le souk du Caire, je voy­ais ces marchands d’essences instal­lés devant des séries mul­ti­col­ores de fioles exha­lant des odeurs écœu­rantes. C’est à la fois l’o­rig­ine des par­fums, pro­duits du traf­ic tri­an­gu­laire qui ani­mait la méditer­ranée à l’époque de gloire de la Venise renais­sante et, devant l’empire con­tem­po­rain des grandes mar­ques occi­den­tales, une sur­vivance archaïque qui témoigne du rap­port par­ti­c­uli­er qu’en­tre­ti­en­nent cer­taines civil­i­sa­tions avec le progrès.

Vie antérieure

L’après-midi, au moment de m’en­dormir, se pro­duit un étrange phénomène mémoriel. Je me sou­viens d’un événe­ment vécu auquel je ne pense plus depuis longtemps au point de douter d’abord si c’est bien moi qui l’ai vécu. Mai à mesure que la mémoire se fixe, je le recon­nais: il s’ag­it bien d’un épisode de ma vie. Et aus­sitôt de me deman­der: com­ment ais-je pu l’ou­bli­er? Alors, désireux de mieux revivre l’événe­ment, je fais un effort de mémoire et il s’é­vanouit comme si, devenant pleine­ment con­scient, il trahi­rait son appar­te­nance à une vie antérieure.

Butor

Michel Butor est mort la semaine dernière. De ce sémi­naire que j’ai suivi sous sa direc­tion, à l’u­ni­ver­sité de Genève, il y a plus de vingt ans, j’ai tout oublié. C’est tout juste si je vois sa sil­hou­ette déjà bedonnante et retrou­ve le régime de sa voix, pro­lifique. Aujour­d’hui, j’aimerais savoir ce qu’il nous dis­ait. Quelques années plus tard, comme je reve­nais de mon voy­age à vélo en Syrie, il s’est assis à côté de moi dans l’avion. Il por­tait une cein­ture de cuir sur une blouse évo­quent le bleu de tra­vail. Sa barbe et sa tenue lui don­naient un air de moine. Timide, je n’ai pas osé lui adress­er la parole. D’ailleurs, il n’a pas pipé mot pen­dant le vol. Pas plus que la femme qui l’ac­com­pa­g­nait. Que des jour­nal­istes à l’in­tel­li­gence boi­teuse aient durable­ment moqué le pro­gramme esthé­tique du Nou­veau roman n’en­lève rien à la qual­ité d’écri­t­ure de ces écrivains (agacé par la rati­o­ci­na­tion de Nathalie Sar­raute, j’ad­mire en revanche Alain Robbe-Gril­let, par­ti­c­ulière­ment à tra­vers le per­son­nage de Des Esseintes et bien sûr le maître de la mémoire défail­lante, Robert Pinget).