Fête

Jeu­di a com­mencé la fête du vil­lage. La cir­cu­la­tion est détournée, la place du marché est rem­plie de car­rousels. Les bars ont éten­du leurs ter­rass­es au coin des rues, devant l’église et dans les cours intérieures. Sur le quai, des gitans vendent des sauciss­es, des bal­lons, des bar­ba-papas. Plus loin, sur le park­ing de la plage, un groupe rock répète le con­cert de la soirée. Il fait trente degrés à dix-neuf heure. La sieste n’est pas finie, mais l’im­pa­tience a poussés dehors les ado­les­cents. Ils se réfugient dans l’om­bre des parcs, les garçons d’un côté, les filles de l’autre. Deux filles nous pren­nent en pho­to avec mon télé­phone. Sur le cliché nous sommes gros; pas le corps, le vis­age. J’es­saie à mon tour, je pho­togra­phie Gala. Prob­lème de réglage j’imag­ine, elle a un faciès de soupière. Plus tard, les habi­tants défi­lent sous les réver­bères fes­ton­nés; familles le long de la mer, fêtards près du port. Tous sont habil­lés. Mal­gré la chaleur, les hommes ont passé des pan­talons, les femmes vont en robe et maquil­lées. Nous com­mençons la prom­e­nade par le cen­tre puis le bord de mer. Les serveuses du Varadero qui por­tent en général des col­lants noirs et un T‑shirt blanc sont mécon­naiss­ables: on croirait qu’elles vont au bal. Et les petites filles! En tenue de fla­men­co, l’œillet piqué dans le chignon, même si elles ne marchent pas et vont en pousse-pousse con­duites par leurs grand-mères. Nous prenons place sur les bancs de la rôtis­serie, face à une attrac­tion qui fait tourn­er les gens à bord de nacelles. Les sirènes reten­tis­sent, la musique des auto-tam­pon­neuses se mêle à la cloche de l’église. Il est dix heures. Le vil­lage sort. Les ado­les­cents font la file devant La Gran Olla, lit­térale­ment le chau­dron géant: on s’y tient assis ou debout pour résis­ter aux sec­ouss­es qu’im­prime à la plate­forme un énorme moteur. Le pro­prié­taire de la rôtis­serie, un andalou émacié qui n’ar­rête pas de sourire apporte des ver­res de bière d’un litre et des olives du jardin.
Le lende­main, comme nous revenons autour de seize heures de la plage où nous avons mangé la pael­la, les enfants dansent en mail­lots de bains dans un tas de mousse que répand par mètres cubes un gitan. Il puise du savon liq­uide dans un jer­rycan et le gicle dans la rue à l’aide d’une trompe. Les enfants tapent dans le tas, des morceaux s’en­v­o­lent, pénètrent dans les apparte­ments, volent au-dessus des ter­rass­es, retombent sur les voitures, des morceaux de la taille d’un demi-téléviseur.