Quelques minutes après les premières informations concernant l’attentat d’Olympiapark, nous sortons sur Herzogstrasse, à quelques huit cent mètres du supermarché où ont été entendu les tirs. Gala me parle de folklore et de coutume du moyen-âge; je n’entends pas, je suis aux aguets, mal à l’aise, sous pression. Lorsque nous prenons place sur une terrasse de la Clemenstrasse, je l’interrompts:
- Je n’écoute pas ce que tu dis. D’ailleurs, je ne comprends pas que tu puisses penser à cela. Est-ce que tu réalises qu’il y a des fous qui tirent sur la foule au bout de cette rue?
Gala minimise. A la fenêtre d’un immeuble, de l’autre côté de la rue, une voisine consulte son téléphone. Deux adolescentes marchent avec hâte, téléphones en main. A la patronne, une jeune blonde qui consulte son téléphone, je demande s’il y a de nouvelles informations. Elle explique qu’il s’agirait d’une opération concertée, que plusieurs groupes tirent dans la ville. Sur la Leopoldstrasse, ambulances et voitures de police filent toute sirènes hurlantes. Un collègue de la fille blonde, un asiatique, me tend son portable: une séquence filmée des tirs devant le MacDonald’s d’Olympiapark.
- Qu’est-ce que tu as? Demande Gala.
De fait, je ne cesse de me retourner.
- Tu te rends compte que si les types surgissent de ce côté là et arrosent à la mitraillette nous sommes morts!
Gala propose de rentrer dans la salle de restaurant. Elle entre pour voir. La musique est poussée au maximum. Nous renonçons. Survient un collègue de la fille blonde et de l’asiatique. Il porte un t‑shirt israélien (j’ai le même dans ma collection). J’ignore si c’est une bonne nouvelle. Soudain, mon téléphone sonne. Ma mère:
- Les tireurs se sont échappés, il faut que vous rentriez tout de suite!
Je paie. Deux femmes commencent de manger à la table voisine. Il n’y a qu’elles dans la rue, et les tenanciers du restaurant, la blonde, l’asiatique, l’Israélien. Un hélicoptère passe. Un rideau de fer tombe. A l’angle de notre rue, j’achète de la bière chez le Turc. Il à un sourire de drogué. on échoppe à pizza est vide, comme toujours. Soit il ne sait rien, soit il sait: pourquoi sourit-il? Pendant qu’il encaisse la bière (de la blanche, concentré sur les mouvements de la rue, j’ai acheté n’importe quoi), je vois que les éditions Allia appellent. Aussitôt la porte de notre immeuble refermée, je rappelle. C’est moi qui ai appuyé par inadvertance sur la touche des Éditions, m’apprend Gérard. Je branche internet: tous les transports urbains sont interrompus. Les sites de presse annoncent six morts, puis sept, puis huit.