Balade à vélo le long des plages. Les chaises longues sont enchaînées au pied des parasols de palmes, un vent léger soulève les nuages. Dans le deuxième tunnel — il y en a trois sur ce tronçon, percés dans la falaise — le clochard. Il se protège du soleil. Son jeans, sa veste sont crasseux. Appuyé contre le roc, il se confond avec lui; sa barbe à une épaisseur de lichen. Il marmonne en fixant le sol. Nous débouchons sur le plage aux surfeurs, près de l’autel de la vierge. Un adolescent dort la tête posée sur un chien. Les terrasses de restaurants ont abaissé leurs rideaux transparents. Peu de tables sont occupées. Les garçons crient la commande au collègue qui se tient sur le sable. Celui-ci pique des brochettes de sardines ou une daurade sur ces chaloupes remplies de bois qui font brasero. Quand une bourrasque attise les flammes, l’homme jette un pot d’eau sur la braise. C’est le début de l’après-midi. La plupart des magasins ont baissé leurs rideaux. Gala roule devant. La piste traverse à intervalles les des rivières qui servent à évacuer l’eau des montagnes. Si l’on excepte les jours de mai où je bataillais sur les cols du Portugal, il n’a plu qu’une demi-journée en mars. A sec, ces lits servent à garer les voitures, jouer aux cartes, construire des gargotes. Plus loin, la piste devient sentier, les immeubles font place à des maisons. Pendant une heure nous allons à petite vitesse, perchés au-dessus de la mer. Comme si une catastrophe avait emporté l’humanité. Ici et là, autour d’une table coiffée d’un store, une famille mange en silence, attitude inhabituelle pour un peuple qui crie. Nous aboutissons sur un terrain vague. Au milieu, fleurit un cactus. Je connais cet endroit, c’est là que je rebrousse chemin quand je cours. C’est ce que nous faisons. Peu après, nous sommes attablés dans un restaurant. Le patron me met dans les mains un calamar mauve de neuf cent grammes. Il l’apporte à son collègue du brasero. Nous prenons place. Au fond de la terrasse plus vaste qu’un court de tennis, une équipe d’adolescents. La plupart porte des maillots de joueurs de football. Je compte treize hommes et une fille. Je cherche avec lequel des garçons elle sort. Aucun ne semble se soucier d’elle. Elle regarde par-dessus la tête des garçons, dans notre direction. Cependant Gala me montre une femme:
- Si tu restes en Espagne, c’est une femme comme ça que je souhaite pour toi.
L’homme du brasero pèse cent kilos. Il n’est pas gros, il est épais, il est grand, il a une forte tête. Il réunit les services, empile les verres vides, écarte la salade. Quand il a organisé notre table, il dépose le calamar qu’il a grillé au centre, tourne le plat ovale afin afin que nous puissions voir le calamar. Puis reparaît avec huit demi citrons:
- J’ai remarqué que vous aimiez le citron.
Après le repas, nous allons à la plage. Des vagues rapides se jettent dans le sable foncé. Sur la guérite, à côté du drapeau rouge, le gardien est assis en plein soleil. Pas un seul client. Les serveurs du restaurant, le service fini, fixent le large.