Quartiers

De sim­ples vis­ites ne peu­vent suf­fire. Les Parisiens eux-mêmes ont peu de chance de con­naître un jour Paris. Trop de facettes, trop de mou­ve­ments. Dans ce quarti­er du VI ème, j’ai habité pen­dant les représen­ta­tions de ma pièce La Suisse est un petit pays situé entre l’Alle­magne, l’I­tal­ie, l’Autriche et une qua­trième pays dont j’ou­blie le nom, passé une nuit ivre et drogué chez une psy­ch­an­a­lyste qui se bal­adait nue sous une cape de bison ou encore ren­du vis­ite en 2004 à Patrick Kéchichi­an dans les bureaux du Monde des livres. J’ai mangé de la langue de bœuf aux câpres (sans me ren­dre compte de ce que c’é­tait) avant de sign­er aux Edi­tions Théâ­trales et vu des expo­si­tions au Palais du Lux­em­bourg accom­pa­g­né d’une dame illu­minée qui par­lait aux anges. Chaque fois que je con­sulte une plaque de rue, je lis un nom con­nu. Chaque fois que je lève la tête, je recon­nais un mon­u­ment que je n’ai  jamais vu. Mais le hasard con­tribue a reli­er les points sur cette carte du temps: comme nous man­geons au café Vavin avec Alex­is Jen­ny et Nathalie Sar­tou, celle-ci m’ap­prend que Patrick Kéchichi­an a bien aimé la texte qu’elle vient de pub­li­er dans la revue Etudes dont elle est une des rédac­tri­ces. Autour d’une petite table de fer, tan­dis que des dizaines d’é­tu­di­ants arpen­tent les trot­toirs ensoleil­lés, j’es­saie d’ex­pli­quer le sujet de mon essai poli­tique à mes nou­veaux amis — en vain. Après tout, c’est à cela que sert l’écri­t­ure: à expli­quer ce que l’o­ral ne suf­fit pas à dire. Puis, après être passé devant l’ate­lier de Zad­kine (je garde en mémoire son jour­nal lu à l’ado­les­cence et con­state que c’est exacte­ment l’im­age que je me fai­sais de son ate­lier), je tra­verse le jardin du Lux­em­bourg et m’ar­rête pour écrire à Gala: “je me trou­ve à l’en­droit pré­cis où nous nous trou­vions il y a quinze ans à la sor­tie de ce ciné­ma quand tu appelais ton mari pour lui dire que tu resterais quelques jours de plus à Cluny”. Me remet­tant en marche, je songe: j’aime cette femme avec la même pas­sion que le pre­mier jour.