Pendant que nous buvons G. et moi sur une terrasse, vingt pandours se battent devant l’Eglise Saint-Bernard. Ou plutôt, ils se battent comme ils vivent: sans rien comprendre à la vie, à son sérieux, à son tragique, à la place qu’il faut donner à la volonté dans un monde sans Dieu. Ils se battent comme on se bat au théâtre, gesticulant, hurlant, menaçant, se gardant des coups, du sang et du choc. Bref, ils sont ridicules. Ils n’ont ni idée ni corps. Oui, c’est bien cela: de pauvres hères qui n’ont porté à perfection aucun des éléments qui composent une vie adulte: ils vocifèrent, car ils ne savent pas faire de phrases; ils parient sur l’esbroufe, parce qu’ils doutent de leur force; ils tapent dans le vide, parce qu’ils n’ont pas de technique. Attitude cohérente: ils n’ont vraisemblablement ni argent, ni propriété, ni famille, ni femme, ni croyance réfléchie. Quand ensuite, par la voie officielle, on nous dit que ces pandours sont extrêmement organisés et du fait de leur capacité technique terriblement dangereux, la question qui me vient à l’esprit est de savoir si ces qualités ne seraient pas plutôt celles du pouvoir.