Paris 3

Pen­dant que nous buvons G. et moi sur une ter­rasse, vingt pan­dours se bat­tent devant l’Eglise Saint-Bernard. Ou plutôt, ils se bat­tent comme ils vivent: sans rien com­pren­dre à la vie, à son sérieux, à son trag­ique, à la place qu’il faut don­ner à la volon­té dans un monde sans Dieu. Ils se bat­tent comme on se bat au théâtre, ges­tic­u­lant, hurlant, menaçant, se gar­dant des coups, du sang et du choc. Bref, ils sont ridicules. Ils n’ont ni idée ni corps. Oui, c’est bien cela: de pau­vres hères qui n’ont porté à per­fec­tion aucun des élé­ments qui com­posent une vie adulte: ils vocif­èrent, car ils ne savent pas faire de phras­es; ils pari­ent sur l’esbroufe, parce qu’ils doutent de leur force; ils tapent dans le vide, parce qu’ils n’ont pas de tech­nique. Atti­tude cohérente: ils n’ont vraisem­blable­ment ni argent, ni pro­priété, ni famille, ni femme, ni croy­ance réfléchie. Quand ensuite, par la voie offi­cielle, on nous dit que ces pan­dours sont extrême­ment organ­isés et du fait de leur capac­ité tech­nique ter­ri­ble­ment dan­gereux, la ques­tion qui me vient à l’e­sprit est de savoir si ces qual­ités ne seraient pas plutôt celles du pouvoir.