Océan

En direc­tion du sanc­tu­aire de la vierge noire, à tra­vers le Peña de Fran­cia. Route splen­dide, paysage étale, blocs de gran­it et tau­reaux. L’Es­pagne mil­lé­naire, pas un arbre qui n’évoque son his­toire. Et quels vil­lages! Des forter­ess­es paysannes pro­tégeant leur église. Des mer­veilles! Mais il pleut tant que tout cela est trans­for­mé en un vaste océan de pâturages. Et nous nav­iguons à bord d ‘un uni­forme cycliste qui n’a pas séché depuis trois jours. Je croy­ais avoir emporté assez de vête­ments, j’é­tais opti­misme. Seule la Zuri­choise pos­sède une garde-robe infinie. De plus, elle a prévu des habits d’hiv­er. Nous roulons à qua­tre, pen­dant plusieurs heures, à courte dis­tance les uns des autres et pas­sons un col. Dans la descente, les choses se gâtent: le vent hurle. Par moments, il se pré­cip­ite dans les roues et bous­cule le vélo. Je ralen­tis. En pleine descente, je roule à 5km/h. Les autres vont devant. Lorsque je les rejoins, ils sont arrêtés au milieu d’un vil­lage et dis­cu­tent. Nous tombons d’ac­cord: impos­si­ble de con­tin­uer. Nous allons nous cass­er le nez. Javi démonte les vélos et les charge sur le toit de la camion­nette. Une vieil­lard assiste au tra­vail en curieux. Il porte le béret, il a de grandes oreilles. Jovial, il nous dit qu’il n’a jamais quit­té ce vil­lage. Je prend la mesure de cette révéla­tion: dix maisons de pierre. L’homme a dans les qua­tre-vingt ans.
- Ah, si, cor­rige-t-il, pour mon ser­vice mil­i­taire, je suis allé à Valladolid!