Etape

Nous sommes arrivés au point où ces citoyens qui depuis trente pensent con­tre eux-mêmes exi­gent d’in­ter­dire la pen­sée pour n’avoir pas à se déjuger.

Précieux

Le pein­tre-yogi m’a offert dix sty­los et cinq recharges.

Feu

Vu des images d’in­cendie. La nuit je rêve que ma bib­lio­thèque brûle. Le robi­net est à 100 mètres. Je n’ai qu’un pichet pour trans­porter l’eau. Aux témoins qui sur­veil­lent le sin­istre, je crie: « Sauvez la philoso­phie ! ». Ils se trompent de sec­tion. « Pas la bande-dess­inée, la philosophie ! ».

CBCD

Un esclave, on aime savoir où il est, ce qu’il fait.

Aterissage

Avalanche de prob­lèmes depuis que j’ai débar­qué à Madrid. Le van est à l’ar­rêt. J’ap­pelle la dépan­neuse. L’ou­vri­er pose les pinces. « Rouler le plus longtemps pos­si­ble ! ». A Épi­la, deux cents kilo­mètres plus loin, je vais boire un café. Plus de con­tact au tableau. Une brute de garag­iste roumain me prend Euros 10.- pour pos­er les pinces. En même temps j’ai mal aux dents mais ne peut me gar­er pour voir ce que c’est. Arrivé à Agrabuey j’al­lume la mai­son, comme je passe devant le miroir je remar­que que j’ai la gueule plus enflée qu’une pastèque. Je veux porter la main pour tâter, le bras résiste. Il y a un instant je con­dui­sais et main­tenant le bras ne se lève plus ! Si pour­tant, il se lève, et je hurle de douleur. Alors je tâte et hurle une deux­ième fois, tâte la gen­cive droite, elle est dure. Il est minu­it, je me couche. A sept heures, je ne dors tou­jours pas. Je sors. Sur la place du vil­lage, je branche mes pinces autonomes, le van démarre. Car je n’ai rien à manger dans la mai­son. Les achats finis, je veux redé­mar­rer le van. Rien. Je cherche qui sol­liciter sur le park­ing du super­marché. Un aimable français en car­a­vane con­necte les câbles. Sans effet. J’ap­pelle la dépan­neuse. L’ou­vri­er m’en­gage à me ren­dre directe­ment dans un garage. Là, le patron se penche sur le moteur. Appelle con col­lègue, appelle le sec­ond col­lègue. Tous sont per­plex­es. Juste avant la fin de l’ho­raire com­mer­cial (18h50), le patron com­mande une bat­terie. Elle est livrée, il l’in­stalle. Je paie Euros 369.- Il espère que ça ira. Fort de cet espoir, je ren­tre (ordre de ne pas caler) à Agrabuey. Minu­it, je me couche. A qua­tre heures, la douleur est épou­vantable tant dans la mâchoire que dans le bras. A sept heures trente, je n’ai tou­jours pas fer­mé l’œil. A dix heures trente (il faut atten­dre que les médecins com­men­cent leur journée de tra­vail), je me rends aux urgences de l’hôpi­tal. Jambe cassée ou rhume, on vous donne la même chose : cal­mant et antibi­o­tique. C’est ce qu’on me donne. Mais il y a l’ef­fet psy­chologique : « ça va aller », dit l’in­fir­mière. La nuit je ne dors pas, la nuit je ne peux pas me retourn­er, pas bouger, la mâchoire comme le bras, tout me fait hurler. Il pleut. Il y a des éclairs. Il n’y a plus internet.

Aeromexico 2

Rangée de trois sièges. Écou­teurs sur la tête, la mère regarde un film sur l’écran de la com­pag­nie. Écou­teurs sur la tête, le père regarde un film sur l’écran de la com­pag­nie. Assis entre les deux, le gosse regarde un dessin ani­mé sur l’écran de la com­pag­nie et en même temps un autre dessin ani­mé sur la tablette que les par­ents ont posée devant lui.

Aeromexico

Dans l’avion, le gosse de deux ans assis entre son père et sa mère. Il voit un avion sur l’écran de télévi­sion et dit : « regarde papa, un avion ! ». Il ne sait pas qu’il est à bord d’un avion.

Aéroport Benito-Juarez

Tiré au sort par les douaniers d’aéro­port, je suis envoyé dans un couloir au con­trôle resser­ré pour une fouille com­plète. Après avoir levé jambes et bras, mon­tré cul et chemise, débal­lé sac et sacoche, le douanier demande ce que con­tient mon bidon. De l’eau. J’ou­vre, je mon­tre l’eau.

-C’est inter­dit.

-Eh bien je vais la jeter.

C’est inter­dit.

-…

-Il est inter­dit de jeter de l’eau.

-Mais la poubelle juste là ?

-Ce n’est pas pour l’eau.

-Alors quoi ?

-Buvez-là !

Une sec­onde j’hésite (c’est dire si l’ab­surde cor­rompt le raisonnement).

-C’est hors de question.

Et le douanier de m’ex­pulser des douanes avec ordre d’aller vider mon eau ailleurs (dans l’aéro­port) puis de revenir pour recom­mencer le contrôle.

Retour

En taxi avec Arturo, le chauf­feur chré­tien et déli­rant. L’autre jour il me racon­tait l’his­toire de sa tante le matin du 19 sep­tem­bre 1985, jour du trem­ble­ment de terre de Mex­i­co. Sa veste était rem­plie de bil­lets parce qu’elle allait pay­er sa banque. Elle n’a pas eu le temps de quit­ter son apparte­ment au sep­tième, l’éd­i­fice s’est écroulé. Eh bien c’est la seule qui a survécu! Les sec­ours l’ont retrou­vée sous un bloc de béton. Elle a été sauvée par Dieu, mais l’ar­gent a dis­paru. « Depuis, elle est encore plus croy­ante ! », dis-je. Cela ne fait pas rire Arturo. Qui le lende­main, sur la route de l’aéro­port, me racon­te les ovnis qu’il a vu appa­raître dans le ciel le jour où Jean-Paul II a par­lé aux fidèles dans le stade aztèque du D.F.

Couleurs

Quand le clan social-mon­di­al­iste lance la couleur vio­lette, elle fait le tour de la planète et laisse des traînées uni­verselles. Lorsque qu’une âme mil­i­tante lance une couleur sienne, elle fait le tour de ses amis et ne laisse de traces que dans leur mémoire. C’est cela le cap­i­tal­isme financier, propulser l’idéolo­gie par l’in­vestisse­ment. La pop­u­la­tion change de couleur en fonc­tion de la puis­sance de jeu des joueurs.