En direction de Seia

Mon­tée dans les pinèdes de la Ser­ra de Cara­mu­lo sur des routes noires de pluie. Les vil­lages n’ont pas de forme. Leur dis­per­sion est éton­nante. Comme si Dieu avait éter­nué. D’ailleurs, l’église à été emportée. Je la cherche. Puis je reviens à mes efforts. Javier a pris la tête de l’é­tape et roule à 19km/h. Après deux heures de course, il s’in­ter­rompt pour pren­dre une pho­to dans une clair­ière. Javi qui con­duit la camion­nette pro­pose un rav­i­taille­ment de tartines au fro­mage blanc et à la pâte de coing. L’eau ruis­selle à tra­vers les fentes du casque, inonde le vis­age, goutte sur le nez, se répand sur le mail­lot, mouille le torse, s’ac­cu­mule à la cein­ture. Mes pieds sont des soupes. A midi, pause dans un bar de vil­lage. Nous sommes gelés. Il n’y a pas de chauffage, parce qu’il n’y a pas d’ar­gent. D’ailleurs, il n’y a pas grande-chose. Ni dans les assi­ettes ni ailleurs. Riz brisé et patates. Bouil­lon d’algues. Ce sont des berzas. Une spé­cial­ité, insiste Javier. Grand bien leur fasse. Le genre de flotte que l’on obtient en esso­rant ses habits à mi-étape. Et tiède. Une calamité: les Por­tu­gais man­gent tiède et mou. Je me gave de pain et descends aux toi­lettes. Elles sont dix mètres sous terre. Un bidet ances­tral vis­sé dans la terre battue. Lorsque nous repar­tons, les client du bar nous regar­dent. En Espagne, les gens par­lent, rient, chantent, cri­ent. Ici, ils regar­dent. Je me demande ce qu’ils voient.