Table 2

Pour me don­ner du courage — ou par lâcheté, cela revient au même — je monte d’abord par l’escalier de fer les par­ties légères de la table de pique-nique: les pieds en équerre, les deux bancs. Je me place ensuite face au plateau. Il mesure 2,50 mètres et pèse trente kilos. Les march­es de l’escalier de tôle qui con­duisent au toit sont étroites, la ram­barde abais­sée et nous sommes au qua­trième étage. J’es­saie de le bas­culer sur la longueur et de le tir­er. C’est impos­si­ble, le virage est trop aigu. Alors je le dresse et lui fait mon­ter les march­es l’une après l’autre. Je souf­fle et grogne tant qu’une voi­sine sort sur son bal­con. J’at­teins le pre­mier tiers de l’as­cen­sion, et je fais une cal­cul: si je n’ai que le dou­ble de la force que je viens de dépenser, je dois redescen­dre sous peine de la lâch­er à mi-hau­teur. Je con­tin­ue. A mi-hau­teur, je sens que je peux l’amen­er jusqu’à la ter­rasse, mais je con­state alors que pour lui faire pren­dre le virage, il faut le faire piv­ot­er en l’air, au-dessus du patio. J’y parviens, mais au moment de la met­tre en appui sur la ram­barde pour me repos­er je vois que ma main gauche est sous le plateau: soit je lâche le plateau et il tombe qua­tre étages plus bas, soit je le pose et il écrase ma main.