Pour me donner du courage — ou par lâcheté, cela revient au même — je monte d’abord par l’escalier de fer les parties légères de la table de pique-nique: les pieds en équerre, les deux bancs. Je me place ensuite face au plateau. Il mesure 2,50 mètres et pèse trente kilos. Les marches de l’escalier de tôle qui conduisent au toit sont étroites, la rambarde abaissée et nous sommes au quatrième étage. J’essaie de le basculer sur la longueur et de le tirer. C’est impossible, le virage est trop aigu. Alors je le dresse et lui fait monter les marches l’une après l’autre. Je souffle et grogne tant qu’une voisine sort sur son balcon. J’atteins le premier tiers de l’ascension, et je fais une calcul: si je n’ai que le double de la force que je viens de dépenser, je dois redescendre sous peine de la lâcher à mi-hauteur. Je continue. A mi-hauteur, je sens que je peux l’amener jusqu’à la terrasse, mais je constate alors que pour lui faire prendre le virage, il faut le faire pivoter en l’air, au-dessus du patio. J’y parviens, mais au moment de la mettre en appui sur la rambarde pour me reposer je vois que ma main gauche est sous le plateau: soit je lâche le plateau et il tombe quatre étages plus bas, soit je le pose et il écrase ma main.