Les personnages locaux, distingués de la foule par une attitude atypique.
Le mendiant du supermarché. Je le croise dans les environs de la plage aux chats, lorsque je me rends à vélo la séance de combat; il roule dans l’autre sens. Peu avant la tombée de la nuit, de retour au village, je me ravitaille en pain et en eau: il est debout, à côté des portes coulissantes, la casquette retournée au sol et tient en laisse un chien minuscule que lui a confié une dame. Comme d’habitude, il sonorise le quartier avec son poste radio peint aux couleurs de la Jamaïque.
Près du pont, dans le quartier des pêcheurs, le rustre à barbe au visage bouffi d’alcool dont le territoire est délimité par le muret de la plage et le réverbère du quai. Dès le début de l’après-midi, il rejoint autour d’une table pliante des voisins qui disputent à même le trottoir une partie de cartes sans fin.
Le professeur de sport en training bleu et orange qui enseigne sous le regard curieux des parents à des pupilles la course d’obstacles (quelques cônes disposés le long du quai). Sa formule favorite est: “c’est bien, mais il y encore des progrès à faire!“
Le faux marathonien, tête rase, épaule carrées, torse nu et bronzé qu’il fasse chaud ou froid. Il porte des lunettes de compétition blanches et marche en long et en large comme s’il avait à faire baisser le rythme cardiaque après un exploit.
Le Russe massif qui me répond, lorsque je demande s’il participe aux trois séances hebdomadaires de combat:
- Oui, j’essaie, mais c’est difficile, je manque de temps.
A la sortie, comme j’arnache les bagages sur mon vélo:
- Depuis ton village, par les quais? Eh bien. tu as du temps!
Puis, il me dit d’acheter un casque. Le vendredi, je déballe mon casque: cuir noir, muselière de métal rouge.
La séance d’entraînement finie, nous occupons le ring.
Il frappe, je ramasse. Il frappe encore, place un direct puis un crochet. Je suis sonné.
- C’est de la technique. Respire! Je vais te montrer…
Et il frappe de plus belle.