Mois : mars 2016

Caractère national

Je pub­lie sur inter­net des pho­togra­phies de mon apparte­ment en vue d’une échange. Je pré­cise: “intéressé ni par la France ni par la Hol­lande”. Un heure plus tard, un Français pro­pose sa vil­la dans le Sud.

Ils

Ils firent grand cas de ce qu’on ne leur dis­ait pas.

Naturel

Le naturel des Espag­nols à son revers: à voir les femmes, on se demande s’il en existe qui cherchent un homme pour autre chose que faire des enfants.

Réalisme

“Vous savez, me dis­ait tout à l’heure la Russe qui livre de la glace en cubes, nous, nous avons le knout! C’est très bien le knout! Pour commencer…”

Plages

Vingt plages s’é­ten­dent de chaque côté de mon immeu­ble. Il y a celle des chats. Les pois­sons se méfient, les chiens l’évi­tent. Il y a celle des touristes, près de la jetée où accos­tent les bâti­ments de croisière. Quand on y voit de baigneurs, c’est que l’eau est trop froide. Celle des kit surfers: leur présence indique qu’on ne peut faire ni kayak ni surf. Quant à la plage pro­tégée par la grotte de la Vierge, les jours où elle est fréquen­tée, il faut éviter de faire du vélo: le sable vole. 

Nous autres 2

“Traitons à l’acide l’idée de “droit”. Les plus sages des anciens savaient déjà que la force est la source du droit et que celui-ci n’est qu’une fonc­tion de la force. Sup­posons deux plateaux de bal­ance; sur l’un se trou­ve un gramme et sur l’autre une tonne, je suis sur l’un, et les autres, c’est à dire “Nous”, l’État Unique, sont sur l’autre. N’est-il pas évi­dent qu’il revient au même d’ad­met­tre que je puis avoir cer­tains “droits” sur l’État Unique que de croire que le gramme peut con­tre­bal­ancer la tonne? De là une dis­tinc­tion naturelle: la tonne est le droit, le gramme le devoir. La seule façon de pass­er de la nul­lité à la grandeur, c’est d’ou­bli­er que l’on est un gramme et de se sen­tier la mil­lion­ième par­tie d’une tonne.” Eugène Zami­a­tine, Nous autres.

Nous autres

“Je mar­chais au pas avec les autres, mais, mal­gré tout, à part des autres. Je trem­blais encore de ma dernière émo­tion comme un pont sur lequel vient de pass­er, en ton­nant, un ancien train de chemin de fer. J’avais con­science de moi. Or, seuls ont con­science d’eaux-mêmes, seuls recon­nais­sent leur indi­vid­u­al­ité, l’œil dans lequel vient de tomber une pous­sière, le doigt écorché, la dent malade. L’œil, le doigt, la dent n’ex­is­tent pas lorsqu’ils sont sains. N’est-il pas clair, dans ce cas, que la con­science per­son­nelle est une mal­adie?” Eugène Zami­a­tine, Nous autres.

Monde

Venus au monde, la plu­part d’en­tre nous se tâtent et se deman­dent ce qu’ils pour­raient bien faire.

Nuit sur la côte

Immense ciel rose sur la ville. Le quai ressem­ble à une aven­ture sans fin. Les promeneurs bais­sent la voix. Dans cette lumière pro­fonde, les silos du port ont la taille de dés à coudre. Incer­tains de l’heure, des jeunes gens sont assis à demi-nus sur des servi­ettes de bain. Près de l’Alame­da, la grande roue est à l’ar­rêt. Ses nacelles éclairées sont sus­pendues sur l’hori­zon. La nuit monte tan­dis que je roule sur les trot­toirs du Pedre­gal. Pour gag­n­er de vitesse les voitures, je brûle les feux rouges. Elles me rat­trapent, s’en­tassent, redé­mar­rent. Sur la plage, j’aperçois l’en­seigne du restau­rant Pon­te­gor­do (deviens gros!), plus loin, la pépinière. Un cou­ple dis­cute devant un mas­sif de cyprès. La route rétréc­it, se love con­tre la falaise, longe la sta­tion-ser­vice. Je jette une œil au bâti­ment d’habi­ta­tion: il s’élève entre les pistes de la route. Qui peut vivre là? Au troisième étage, j’aperçois de la lumière der­rière les stores. Tan­tôt, Raul m’a dit que c’é­tait là son quarti­er. Quel quarti­er? C’est le chas de l’aigu­ille. Quelques kilo­mètres de plus et j’at­teins la dis­cothèque Para ver­nos mataos (pour nous voir entretuez-vous!). Son rideau de fer est bais­sé. La route trem­ble un peu et s’en­roule autour d’un piton autre­fois marin. C’est là que je bifurque. Le sen­tier est jonchée de cail­loux. Mon phare éclaire un chien. Puis appa­raît la cimenterie. Ses machines occu­pent toute une crique. Chem­inées, hangars, tapis roulants s’agi­tent con­tre la nationale. Plus haut, la mon­tagne entamée crache de la pous­sière, des grues sont accrochées au ciel. Au milieu, un tube géant tourne nuit et jour. Il ron­fle et tou­sse. D. me fai­sait remar­quer qu’on ne voit jamais d’ou­vri­er. En revanche, il y a des pique-niqueurs. Ils man­gent dans la nuit. Au bout de la plage, cam­pés sous des para­sols pub­lic­i­taires, obser­vant leur lignes dont le fil se perd dans une mer d’en­cre, des pêcheurs s’ap­prê­tent à dormir dehors.

Transmutation

Les mécani­ciens savent que les voitures ne sont faites que de pièces et d’un moteur à explo­sion, les philosophes que la théorie n’est faite que de mots, de syn­taxe et de logique, mais les pilotes n’ont rap­port qu’à la vitesse, les dis­ci­ples n’ont rap­port qu’à la vérité.