Polonais

Au bout d’un chemin de terre jonché de détri­tus, un Polon­ais gou­verne huit bun­ga­lows. Il a le physique de Julian Assange. Coincé dans une cabane qui fait bureau, guichet, récep­tion et peut-être cham­bre à couch­er, il s’in­quiète pour son bananier de vingt mètres: il perd ses feuilles. Les yeux lev­és, il remar­que : “pour­tant nous ne sommes qu’en jan­vi­er” Puis philosophe con­clut: “main­tenant ou après, il faut bal­ay­er”.  Il fait apporter nos bagages. Ceux-ci dis­parais­sent. Il part à le recherche du Thaï qui les trans­porte. Nous sommes instal­lés dans un bun­ga­low con­stru­it dans la colline. En bas, une plage inond­able. Pour la rejoin­dre, un escalier à forte pente. Un Suisse ingénieur y met­trait un funic­u­laire. Je descends pour me trem­per. Au large est amar­ré un cha­lu­ti­er rem­pli d’au­tochtones. Corsetés de gilets de sauve­tage, ils se jet­tent dans la mer du toit du bateau et sont recueil­lis à l’aide d’une dague par des chaloupiers. Beau­coup d’algues, peu de pois­sons: je fais trois petits tours et retourne à la plage. Je monte l’escalier, entre dans le bun­ga­low: il est vide. J’ou­vre les armoires. Le Polon­ais aurait-il rangé mes affaires? Non, je me suis trompé de bun­ga­low, il y a deux sys­tèmes de march­es. Nous voulons louer une moto. Le Polon­ais énonce un prix. Nous ne louons plus de moto: au bout du chemin, tient bou­tique un Alle­mand qui loue moitié moins cher. Gala demande si quelqu’un  peut vider la poubelle.
- Ce ser­vice n’est pas com­pris, pré­cise le Polon­ais. Vous voulez boire quelque chose?
Et quand je reviens avec la moto louée à l’Alle­mand, lev­ant la tête du fond de de son guichet:
- Vous voulez boire quelque chose?
Curieux, le Hon­grois qui tra­vaille sur un ordi­na­teur de la taille de Karl dans Odyssée de l’ea­pace 2001:
- D’où êtes vous?
- De Suisse.
- Je suis de Budapest.
- Mon père y vit.
- Oui, c’est moins cher. 
Pen­dant ce temps, l’Alle­mand fait du pain, des piz­zas, de la con­fi­ture de fram­bois­es et se rase la tête au rasoir Bic tout en s’ex­cu­sant:
- Je me suis un peu coupé, ce n’est pas beau à voir.