Loei 2

Nos habi­tudes sont pris­es. Le petit-déje­uner dans la salle aux cent tables. A choix, omelette, œufs frits ou brouil­lés. Le café âpre, velu, qui coule dans la gorge comme une encre chaude. Les tranch­es de focac­cia que l’on glisse dans le toast­er à mou­ve­ment per­pétuel, puis le buf­fet thaï, riz frit, ver­mi­celles, poulet au gin­gem­bre; évi­tons les phô chi­nois­es. Ensuite, les toi­lettes. Elles sont si loin de la récep­tion, que le per­son­nel oublie de les éclair­er. Action­nant l’in­ter­rup­teur, je tire du néant douze cab­ines de mar­bre, sept pis­soirs et autant de lava­bos, puis je reprends l’as­censeur de verre où joue une musique de piano, et m’élève. De la cham­bre, nous voyons le parc aro­ma­tique. Munis de bal­ais courts, des ouvri­ers à cha­peaux coniques chas­sent les feuilles. Vers la riv­ière, des métal­los encagoulés soudent un par­al­lélépipède de la taille d’un bâti­ment. A quoi servi­ra-t-il? Un sup­port de ter­rasse à installer sur les berges? De fait, en aval, un grue niv­elle la terre meu­ble .
Il est dix heures, je me rends à la piscine.
Dimanche, un gar­di­en s’est tenu sur sa chaise, devant le bassin, du matin jusqu’au soir. “Pas de touristes!”, ai-je fait remar­quer. Il m’a répon­du que les enfants étaient peut-être à l’é­cole. Et comme désor­mais c’est la semaine, que les enfants y sont, à l’é­cole, le gar­di­en a con­gé.  J’or­gan­ise mes tables, mes bois­sons, mes pris­es élec­triques, mes livres et des servi­ettes de bain. Trois étages plus bas, j’aperçois Gala qui saute sur un vélo et va manger un riz. A quinze heures trente, j’es­saie de nou­velles fig­ures dans un coin ombragé: coup de pied direct extérieur couteau, libéra­tion con­tre saisie arrière mains tenues ou parade avec revers poing tourné. Puis, fraîche­ment douchés, nous sor­tons, pas­sons le pont, gagnons le plan d’eau munic­i­pal. Deux cygnes de plâtre mêlent leurs becs, un jet d’eau déco­ratif propulse une gerbe de dix mètres. Dès cet instant, la séquence a tout du filage théâ­tral: sur le quai inférieur le vieil­lard qui fait son jog­ging, en haut les marchan­des de chaus­settes, sur le quai inférieur les amoureux de vingt ans qui promè­nent leur pre­mier enfant, en haut le pré­posé au char­bon. Nous prenons place autour de la table de bar­be­cue. Venus dès la sor­tie des class­es, quelques écol­iers en uni­forme attisent leur baseros, se ser­vent au buf­fet. La serveuse apporte la Léo et demande “com­bi­en de bouteilles dois-je enfon­cer dans la glace ce soir?” Dans le parc, sur la quai opposé, la gym­nas­tique col­lec­tive com­mence. Trente femmes dansent sur un rythme tech­no. Dans le ciel sur­git le petit por­teur d’Air Asia. Sur la passerelle, les familles jet­tent des toasts aux pois­sons. Le soleil se couche. Quand la musique s’ar­rête, en face, dans le parc, il est six heures. L’avion d’Air Asia repart pour Bangkok. L’homme qui porte le T‑shirt Mil­i­tary passe devant les braseros et salue. Nous cédons la place aux écol­iers qui atten­dent les tables, nous regagnons l’hôtel.