A la tombée du jour, je me rends dans ce préau d’école de Sukhothai fréquenté par des pétanquistes et des footballeurs. Les judokas courent devant les salles de classe. Sur le vélo statique, un modèle jaune et rouillé, le jardinier pédale. Même heure que lundi, même scène, mêmes personnages, mais les comportements, eux, ont changé. Le chien d’abord. Il émerge du fourré, avance dans la poussière, me reconnaît, se place à la limite de son territoire et se rendort. Le chat. Assis, il me regardait. Cette fois, il passe sous les gradins, se frotte contre ma jambe, poursuit. Le ballon file dans la cage aux boules. Tandis que l’un des équipiers le récupère, l’entraîneur me rejoint et répète l’exercice que je viens de faire. La partie reprend. Des gamines de cinq ans vêtues de l’uniforme bleu et blanc approchent des seaux sous le bras. Elles imitent un miracle de la nature: faire pousser des fleurs. Et donc, arrachent les fleurs par la tige pour les replanter plus loin. Cela, avec méthode. En commençant pas les violettes. En partie basse de la plante, il n’en reste bientôt plus. Elles s’entendent alors pour le dépouiller de ses fleurs blanches. Quand je les observe, elles me fixent, sourient, un peu inquiètes détalent en riant. Lorsqu’elles ont vidé leurs seaux, elles reviennent. Contre la rue, deux pagodes pourvues de bancs servent de lieu de rendez-vous aux adolescents dragueurs. Un homme balaie. La vendeuse de nouilles ferme le portail que rouvrent bientôt les joueurs de badminton. Au sol, à l’endroit où le dallage est défoncé, croupit une eau d’un jaune chimique. Plus loin, une carte de Pokémon retournée. Des fioles de boisson énergétique à l’emblème des deux taureaux sont abandonnées au pied d’un carrousel tordu. Surgit une jeune fille sur un vélomoteur: l’entraîneur de football, sans un mot a ses coéquipiers, saute en croupe, ils s’en vont. Pendant les deux heures que j’ai passé dans ce préau, je suis allé de découverte en découverte. A la fin, le monde s’était réduit. Il me semblait qu’il tiendrait tout entier entre ces quatre murs, ce qui m’a rappelé le préau dans lequel nous jouions à l’école, à Madrid, en 1977. L’ école était logée dans une villa. Nous avions le jardin à notre disposition et celui-ci offrait une terrain d’aventures parfait: bassin sans poissons, arbustes à épines, potager en berne, balançoires lépreuses, haute clôture séparant le préau de la parcelle voisine où était installé un bar (par une ouverture, nous achetions chips et bonbons), chaises sans dossiers, gravats. Parmi les jeux favoris, les billes, avec ou sans retour au pot, et les courses de capsules: il s’agissait alors, à l’aide d’une chiquenaude, de faire parcourir à la capsule un tour complet d’un circuit dessiné dans le sable.