Une expérience du laboratoire de sociologie spéculative. L’on place un poète dans un jardin. Il dispose d’une table ombragée, d’un siège confortable. L’air est doux, le ciel clair, le silence bienfaisant. Il va écrire. Un poème bien sûr, mais lentement: donnons-lui une journée. Dans le premier cas, il termine son travail comme il l’a commencé, au jardin, en silence; les conditions n’ont pas changé. Deuxième cas. Cette fois, nous introduisons des éléments perturbateurs. Nous allumons un feu, la fumée monte, envahit le jardin. Puis un camion passe, décharge des poubelles. Le ciel se voile. Un marteau-piqueur se met en branle. D’abord éloigné, le son se rapproche; d’abord intermittent, le son est continu. Poussons deux ivrognes dans le parage du poète. Ils braillent, s’insultent, en viennent aux mains. Et à la fin, ramassons les copies.