Faire plusieurs choses à la fois. Possibilité inconcevable avant la révolution industrielle. En s’acquittant des tâches répétitives les machines déchargent le cerveau; il se réapproprie la concentration et l’affecte à la réalisation d’autres objectifs ; mais c’est d’abord sur le plan symbolique que l’introduction de la machine dans la vie courant produit ses effets. L’opération simultanée de tâches devient concevable et conçue est aussitôt valorisée. Au moyen-âge, la tâche, matérielle ou intellectuelle, absorbe l’intégralité de l’individu. Acte et individu ne font qu’un. Après la révolution industrielle, la concentration devient force consciente: elle pilote la machine et, à la fois, opère dans une direction parallèle. Vient l’informatique. Son langage binaire radicalise la situation. Aujourd’hui, faire plusieurs choses à la fois est la norme. L’activité simple est le fait du simple- de l’idiot. Les autres individus cumulent les actes dans le même instant. Cette désorganisation méthodique suit une courbe de complexité: si les outils le permettent, l’individu fera à l’avenir un nombre de choses de plus en plus grand à la fois. La question est de savoir si l’on peut encore parler d’individu en tant qu’unité ou si faute d’une intersection essentielle le mot “individu” ne désignera plus qu’un cumul d’activités, c’est à dire un groupe divisé et en processus continu de division.