Nuitamment, je sors mon matelas, le jette dans l’herbe et répète les roulades: elles sont obligatoires pour le passage de la ceinture orange de Krav Maga. Dire qu’il y deux ans je roulais sans crainte. Cela parce que je croyais me souvenir des cours de judo de ma douzième année! Je prenais mon élan, je roulais en toute liberté. Jusqu’au jour où j’ai tourné la tête dans la mauvais direction. Elle a failli se détacher du tronc et rouler à travers la salle. Depuis, je minaude. D’où le matelas. Et la nuit. Le ridicule augmente la difficulté. Voyons: je me mets en garde, je positionne mes mains, je bloque la respiration. Je me lance. Dimanche, mardi, et une dernière fois hier, l’examen ayant lieu ce soir. D’ailleurs, hier, je n’étais plus seul sur la colline : Bogdan m’a rejoint. Avec son mètre nonante et ses 110 kilos, il n’est pas fait pour les roulades. Mais le plus marrant, c’est son téléphone. Nous entraînons les parades contre coups de pied lorsque celui-ci sonne. Je l’entends nommer différents modèles de jets: “le Falcon, oui, je l’ai piloté. Le Cessna, non. Ah, celui-ci, oui, pendant plus de deux ans.” Il raccroche: “excuse-moi, c’était l’aéroport de Dubaï, il faut que je me décide avant ce soir. Mais si je pilote pour eux, je vais devoir aller habiter là-bas… Sinon, j’ai une proposition d’un groupe de Russes: ils ont racheté l’ancien jet du sultan du Brunei. Tu verrais ça, le tableau et les manettes sont en or!”