Composition avec forêt

A la tombée du jour, dans la forêt de la Croix. Le dernier soleil mor­dore les feuilles qui jonchent la piste cana­di­enne. L’un des virages donne sur Fri­bourg-Sud, un vaste cen­tre com­mer­cial éclairé au néon. Je remonte la piste, passe sous les frondaisons, entre dans la pénom­bre. Au quinz­ième tour, j’aperçois trois per­son­nes accom­pa­g­nées de deux cabots d’ap­parte­ments. Ce sont des promeneurs, ils mar­quent une pause. Ils par­lent, mais à dis­tance. Une dis­tance anor­male, trois mètres. J’ap­proche au pas de course. Me parvient le mur­mure des voix, mais les vis­ages sont invis­i­bles: par hasard, ils se tien­nent de trois quarts. Ce n’est pas tout: les hommes ain­si que la femme por­tent des man­teaux gris qui accentuent l’im­mo­bil­ité des corps. Un des hommes a ouvert son man­teau pour laiss­er paraître une chemise blanche. Les chiens sont du même gris que les man­teaux. Ils sont assis à une dis­tance anor­male de leurs maîtres: trois mètres.  Celui qui est le plus éloigné a le ven­tre blanc. La scène est fixe, étrange. On la dirait com­posée par Balthus ou Pierre Klossovski.