Les bâtiments de l’internat sont construits en partie haute d’Abondance, près du départ du remonte-pente. Dans la soupente du bâtiment de réunion, une table pour le conférencier et quarante chaises. Lorsque nous entrons, Olofso et moi, les parents attendent assis sur des bureaux rangés contre les parois de la salle. Pas une chaise n’est occupée. Je m’assois dans une chaise.
- Tu crois? demande Olofso.
Quelques minutes plus tard, tous les parents sont assis sur les chaises. Le directeur, en costume gris, le visage plein de clémence, l’air sérieux, nous souhaite la bienvenue et donne un aperçu de la vie de nos enfants pendant la semaine. Une Anglaise, responsable de l’association des parents, évoquent les prochains événements, excursions, récolte de fonds et de gâteaux, marché de Noël, puis une femme blonde, l’ancienne infirmière de l’établissement, annonce avec émotion son départ “pour des raisons liées à ma situation personnelle, j’ai décidé de donner une nouvelle direction à ma vie” et présente la nouvelle infirmière, une magrébine vêtue d’un pantalon de jogging. Débute alors, dans les bâtiments de classes, les rencontres avec les professeurs et nous comprenons que nous avons raté le coche. En effet les parents avertis se sont poussés contre les portes pour être reçus les premiers. Je prends mon tour pour discuter avec le professeur de mathématiques. En attendant, j’échange quelques propos avec mon voisin, homme de quarante ans, chenu, grand plat, affable. Son fils veut devenir pilote
- Avion?
- Oui.
- Et en maths?
- 1.
- Comme le mien! 1 à l’examen.
Je m’abstiens de lui dire que c’est exactement la note que j’ai faite à l’examen de baccalauréat, 1 sur 20. Mais précisons: passé les cinq minutes réglementaires, durant lesquelles j’ai indiqué mon nom sur la feuille du Ministère de l’éducation publique (sans cela, vous recevez un zéro, note éliminatoire), je suis sorti. Précisons encore, j’ai aligné les 18 sur 20 dans les autres branches.
Quand Aplo passe, je lui enjoins de rester dans le couloir, c’est bientôt notre tour. Il s’exécute sans un mot, reste dans le couloir. Quand passe le fils de mon voisin, celui-ci fait de même: le gamin se rebiffe, lance je ne sais quelle insolence et file.
Mohammed Ali, le professeur de mathématiques nous reçoit. Il n’est pas rasé, pas coiffé, porte une veste de ski. Les élèves portent la chemise blanche, la cravate, la veste de costume brodée de l’écusson de l’institut. Drôle de conception du modèle. Les propos du maître, le ton d’autorité et les conseils en revanche sont rassurants.
- Votre fils est distrait, il ne travaille pas assez.
- C’est ce que je pense.
Je serre la main du professeur, nous sortons. A partir de décembre, la moitié de l’argent qu’il me restera en début de mois sera consacré à payer les factures de l’internat, je mets donc en garde Aplo: “si en janvier, les moyennes ne sont pas bonnes, tu iras travailler”.